« Les gris nécessitent de l’intelligence, car ce sont eux qui gèrent la mise en espace du sujet. Les noirs peuvent être passionnés, ou silencieux dans l’obscurité qu’ils découvrent… Les blancs sont la brûlure ou l’éloquence ». P.G.
« J’utilise toujours des fonds très
absorbants, parce que je veux que la peinture et la couleur
s’imprègnent, de manière que je puisse mettre plusieurs couches. Je veux
que l’image soit dans la toile, dans le papier, déjà sous eux, de
manière à pouvoir passer et repasser ». S.F.
L’Atelier contemporain est une
maison d’édition qui publie comme elle respire, et on a toujours un
souffle de retard sur les pépites qu’elle offre à notre regard.
Aujourd’hui, deux peintres : Patrice Giorda et Sam Francis, et deux
dialogues. Dialogue avec la forme et la couleur pour l’un, Sam Francis,
dialogue sur le mouvement de sa peinture, la danse des jaunes, des bleus
et des rouges, les éclats, les coulures, les tâches – en synchronie avec ma manière de voir le monde. Mais aussi un voyage sur ses traces indélébiles, le corps blessé et les premières toiles – ma peinture est venue de la maladie –, et la puissance permanente de la couleur et de la lumière – Matisse n’est jamais très loin.
Pour l’autre, Patrice Giorda, c’est un échange permanent avec les toiles qu’il écoute –
écoutez ce que vous disent les peintres, passez de l’œil à l’oreille –,
vision de l’artiste en encyclopédiste lumineux et précis. Face à face
saisissant entre le peintre et les peintres. Patrice Giorda écrit avec
vivacité ce que Picasso peignait et dessinait avec allégresse. L’art
d’aujourd’hui traversé par l’histoire de l’art ancien, l’art de
peindre, ou d’écrire, placé sous haute et belle protection, c’est vivre
au cœur de l’art vivant, sans âge, c’est cela qui irise les tableaux et
les écrits de Patrice Giorda.
« Une question maintenant : Quels
sont les deux éléments unis par la couleur ? Ma réponse c’est :
l’imagination et la nature. C’est une partie tout à fait essentielle,
l’étoffe des choses ». S.F.
« De la perspective naît l’espace,
et de l’espace naît l’ombre, et de l’ombre naissent les ténèbres. A
partir du moment où le peintre accepte de regarder l’ombre et de la
peindre, c’est que son époque a conscience des ténèbres dans lesquelles
elle vient d’être précipitée ». P.G., Caravage, le paradoxe.
Face à l’art, face à un tableau, Patrice Giorda est réellement dans une conversation – conversatio (intimité) –, un échange, placé sous le signe du sacré. Rien de plus vivant qu’une toile, rien de plus éloquent, de plus évident. Face à Hopper : Face à elle se tient l’absent, mais aussi Titien : Prodigieux de lumière et de classicisme, de contemplation apaisée, ou encore Van Gogh : La lumière y lutte avec la couleur, elles s’y déchirent toutes deux, et Goya : Avec Goya on apprend que le noir est une couleur, le peintre vérifie non seulement son savoir, son savoir être, mais aussi son savoir faire, c’est-à-dire son savoir peindre.
Sam Francis dévoile à son complice Yves Michaud la nature profonde de sa peinture, ses points ardents: des flammes de la montagne, au feu divin, qui fondent ses créations, il y a des incendies dans ses toiles démesurées.
« Quand je dessine au fusain, mes
traits discontinus cherchent dans le chaos de mes traits posés
maladroitement dans le vide de la feuille, ainsi que dans l’entre-deux
du modèle et du peintre, la vibration juste de la ligne d’une lèvre ; et
là, j’ai le sentiment que le sourire, ou l’expression que je capte,
n’est que du chaos organisé ». P.G.
« Pour moi l’image est primordiale.
Le mot est secondaire mais secondaire ne veut pas dire moins important.
Cela veut dire seulement qu’il vient après l’image. Au commencement est
l’image ». S.F.
Philippe Chauché
Patrice Giorda : un peintre qui ici
parle d’égal à égal avec Piero della Francesca, Courbet, Picasso,
Gauguin, Hopper, Caravage, Goya, Velasquez…
Sam Francis : (1923-1994) ces entretiens
sont issus de longues conversations tenues en 1985 et 1988 à Paris, à
Santa Monica, à Point Reyes Station en Californie du nord.
Yves Michaud, philosophe et critique d’art, a côtoyé Sam Francis de 1976 à sa disparition en 1994. On lui doit notamment : L’Art à l’état gazeux : essai sur le triomphe de l’esthétique, Stock, L’artiste et les commissaires : quatre essais non pas sur l’art contemporain mais sur ceux qui s’en occupent, Hachette.
http://www.lacauselitteraire.fr/conversation-sacree-patrice-giorda-et
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