jeudi 8 juillet 2021

Une Couronne d'Orage de Thibault Biscarrat dans La Cause Littéraire

« Et l’éternité n’est plus un instant, mais l’essence de l’instant ; le poème n’est plus une parole mais l’essence de la parole. Ainsi se déploie une infinité de pensées, de chants, de gestes et de lueurs » (Une Couronne d’Orage). 
« Une distance nous sépare de ce monde, accroît les signes, le silence, les blessures. Nous sommes les témoins, des éclairs, des éclaircies. Une porte s’entrouvre vers cet autre royaume » (III-Beauté). 

Une Couronne d’Orage suivi de Beauté et de Royauté, est touché par la grâce, autrement dit par la parole – Au principe était la parole, la parole était chez Dieu et la parole était Dieu (1). Au principe était la parole pour tout écrivain attentif à ce qui l’entoure, à ce qui l’embrase : un parfum de rose, un chant de moissons, la rosée d’une clairière, les éclairs d’un orage, une femme qui danse, une lumière, le soleil, le sable, la foudre et la pierre. Au principe était la parole, et l’écrivain s’en saisit, comme l’on se saisit d’un instrument de musique pour rendre grâce au ciel, à la lumière divine, à la nature heureuse, à un frisson qui trace sur sa peau une mélodie, à une illumination qui éclaire ses pas. Thibault Biscarrat a beaucoup lu avant d’écrire, il écrit beaucoup en lisant, cela s’entend : la Thora, le Zohar, le Thao, mais aussi Rimbaud, Hölderlin, et Lautréamont – tous les trois profondément attachés à la parole, aux éclairs et au vivant amour : Je déjeune toujours d’air, / De roc, de chardons et de fer (2). Et comme au soleil des hauteurs, avec elle, jadis, / Un Dieu du fond du temps parle, et me rend vie (3). (…) La sonorité puissante et séraphique de la harpe deviendra, sous mes doigts, un talisman redoutable (4). Il lit et il a lu des livres hantés et visités par la parole, par des paroles inspirées et inspirantes, par le souffle – L’eau se condense, la parole est le souffle, le souffle est le vide –, des livres où les paroles invitent à la Parole et au dévoilement, des livres qui s’en saisissent, et la portent sur les hauteurs de la poésie, comme le fait lumineusement Thibault Biscarrat. Une Couronne d’Orage, suivi de Beauté et de Royauté, est touché par la mystique, la connaissance et l’étude du mot fait chair, du mot fait poésie, ce qui revient au même.

« Tout resplendit / Le réel / Les secrets et les mystères Tout se consume / Les voix, les embrasements / Les éclats Tout advient / Le commencement / La parole » (La proximité du Dieu, Une Couronne d’Orage). 
« L’huile / sur la tête / voilà que brille ta couronne » (Royauté). 

Rien de plus de plus vivant, de plus vivifiant que le style de Thibault Biscarrat. Rien de plus transparent. L’image inspirée est là sur la page imprimée, rien ne la dissimule, rien ne l’assombrit, point de métaphore obscure, seulement l’éclat lumineux du verbe qui se fait romance. Thibault Biscarrat est un écrivain qui pèse ses mots comme un orpailleur, un poète de la lumière, de la clarté, tout y est transparent, tout y est musical. On s’imagine se saisir d’un couple de phrases et le porter à la bouche, comme s’il s’agissait d’une parole sacrée. 

Philippe Chauché 

(1) Évangile selon Jean (La Bible, Nouveau Testament, Édition de Jean Grosjean, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1971) 
(2) Rimbaud, Faim (Œuvres complètes, Édition d’Antoine Adam, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972) 
(3) Hölderlin, Élégies (Ménon pleurant Diotima, Œuvres, Édition de Philippe Jaccottet, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1967) 
(4) Lautréamont (cité par l’auteur en ouverture de Beauté) 


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