vendredi 6 avril 2012

Vacare



Wen Cheng-ming
" Quelqu'un s'adressa au philosophe Lie tseu et lui demanda : " Pourquoi tenez-vous le vide en si grande estime ? " Lie tseu répondit : " Le vide n'a que faire de l'estime. Si l'on veut être sans nom, rien ne vaut le silence, rien ne vaut le vide. Par le silence et le vide, on atteint ses demeures. Mais celui qui prend, celui qui donne perd ses demeures. Quand les choses de ce monde se gâtent, il y a des gens qui s'évertuent à vouloir les réparer au moyen de la vertu et des devoirs, mais bien en vain ! " (1)

Miser sur le vide, note-t-il, c'est s'attacher au mouvement invisible du Temps, et par là-même à celui des corps, il aime, ajoute-t-il, confronter le sien au vide absolu, autrement dit à sa liberté profonde - vacare - silencieuse, donc riche en devenir. Devenant vide, je suis libre, pense-t-il, devenant libre, je me vide.

 




à suivre

Philippe Chauché

(1) Lie-tseu / Le vrai clasique du vide parfait / traduc. Benedykt Grympas / Conaissance de l'Orient / Gallimard / Unesco / 1961


11 commentaires:

  1. Mouais..... Les proses sont toutes les deux belles. Mais c est oublier qu'il est des gens qui recèlent ... Disons... Des pépites.

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  2. Réponses
    1. L illusion est impalpable, Cédric, mais cela revient aux questions :
      - ce qui existe est il forcement visible,appréhendable, intelligible?
      - le vide existe-il ou n'est-il qu'un mot posé
      pour décrire ce qu'on ne connait pas ou qui nous dépasse?
      - le vide est il rien?
      - l'épure est elle vide
      - la frustration ou la résignation peuvent-elles source de jouissance?
      - à quel prix?
      Et ce, bien sûr, comme ça, à la volée, dans un
      premier temps.

      Bien à vous deux

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  3. Anonyme 1 : certes, des pépites, mais le vide dont il est question ne l'ignore point, mais il sait se mettre à la bonne distance - sitio - pour les contempler.
    Cédric : exact, mais à lillusion pleine préfère l'illusion vide.
    Anonyme 2 : l'épure est un éclat du vide, la résignation la colère du vide.

    Bien à vous trois.

    Philippe Chauché

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  4. Anonyme >

    Et ce qui est visible, appréhendable, intelligible, existe-t-il forcément ?

    Le vide est un mot.

    Et la matière n'est-elle pas elle-même une illusion ? J'enlève la question : la matière est une illusion.

    Tout est illusion.

    Et même l'illusion est une illusion !

    A Philippe Chauché >

    oui, mais l'illusion vide est pleine d'illusions. Nous serons toujours plein de l'être humain que nous sommes. Vivant, jamais personne ne sera moins qu'un être humain, aucun être humain ne sera jamais vide. J'ajoute que c'est un plaisir de partager quelques mots illusoires avec vous.

    Bien à vous tous (autant que vous soyez).

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  5. L'abbé Liang rendit visite à Ma-tsou. Ce dernier lui demanda : « J'ai entendu dire, Révérend, que vous expliquiez fort bien les textes rapportant les dits du Bouddha (sutra) et leurs commentaires (sastra), est-ce vrai ?
    — Je n'oserais l'affirmer.
    — De quoi parlez-vous ?
    — Je parle du Cœur.
    — Le Cœur est semblable à un bon instrument, l'idée à une utilisation habile de cet instrument, à quoi bon se disputer sur les explications des sutra ?
    Liang poursuivit d'un ton obstiné : « Si l'on ne peut parler du Cœur, du moins peut-on parler de la Vacuité ? »
    Ma-tsou répondit : « C'est précisément le Cœur qui parle. »
    Liang ne céda pas et sortit. Alors qu'il descendait les marches, Ma-tsou l'interpella : « Révérend ? » Liang retourna la tête et connut sur l'instant le grand éveil et salua.
    Ma-tsou dit : « Quel stupide moinillon, pourquoi salue-t-il ? »
    Liang retourna dans son monastère et dit à ses auditeurs : « Tous les sutra et sastra que j'ai expliqués, je ne les comprenais pas. Aujourd'hui, dès que j'ai été interrogé par Ma-tsou, le travail de toute une vie a fondu et s'est écroulé. »
    Puis il pénétra dans les monts de l'Ouest et l'on perdit sa trace.


    Lin-tsi

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  6. Lin-tsi a dit : "Si vous rencontrez le Bouddha, tuez le Bouddha ! Si vous rencontrez un Maître, tuez le Maître !..."

    Moi, Cédric, je tue Lin-tsi.

    Et tant que j'y suis, je tue R.C. Vaudey ! ;-)

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  7. L'assistant de Lin-tsi, revenant de chez Long-Kouang – l'hôte du pays des papes –, rapporta les propos du visiteur qui se proposait de tuer tous les maîtres, et Lin-Tsi, et R.C. Vaudey avec.
    Lin-Tsi dit :
    — « Joli programme, en effet. Mais aujourd'hui nombreux sont ceux qui savent tuer ! Mais après ! »
    L'assistant ne sut que répondre, ne connaissant pas le visiteur en question; puis il demanda encore à R.C. Vaudey :
    — « Rien à ajouter ? »
    L'autre lui dit:
    — « Donne toujours ce poème de Ikkyu, que j'ai quelque peu modifié. On verra.

    "Les belles se transforment en nuages et en pluie.
    Le fleuve de la passion d'amour est profond.
    La belle H. A. et moi
    Chantons au sommet d'une tour d'ivoire clair
    Qui nous permet
    – À notre tour –
    D'y voir clair.
    Je m'amuse à la serrer dans mes bras
    Et à lui donner des baisers.
    Loin de moi l'idée d'abandonner cette vie, charnelle,
    Masse de feu violent."

    L'assistant se tourna, interrogatif, vers Lin-Tsi qui lui dit :
    — « Pas mieux ! ». Et qui ajouta :
    — « Salue Long-Kouang – l'hôte du pays des papes –, qui est devenu océanique; si tu le vois ! »
    Vaudey dit :
    — « C'est toute la question : est-il devenu océanique ? ».

    L'assistant s'en retourna dire et faire ce dont on l'avait chargé. Et il salua, au passage, Long-Kouang, l'hôte-devenu-océanique – ou non –, ainsi qu'il lui avait été expressément demandé.

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  8. Cédric vit arriver vers lui l'assistant de Lin-tsi, essoufflé et le regard méfiant.

    - Quoi et pourquoi ?
    - Lin-tsi et R.C. Vaudey m'envoient.
    - Ils ne sont donc pas morts ?
    - Euh...non.
    - Continue.
    - Voici ce qu'il m'a été demandé de vous transmettre : « Nombreux aujourd'hui savent tuer, mais après ? »
    - Je ne tue personne.
    - Mais vous disiez que...
    - Ne crois pas ce qu'on te dit.
    - En réalité je n'ai pas eu besoin de les tuer, ils sont morts naturellement en moi.
    - Mais après ?
    - Après ? Il reste ce qu'il reste.
    - Il reste ce qu'il reste....
    - Oui.
    - Très bien.
    - Retourne auprès de ton maître, raconte-lui ce que tu veux, de toute façon tu ne me connaitras jamais, car moi-même je ne me connais pas.
    - ...
    - Et vas-y en marchant, inutile de courir, apprécie le paysage.
    - Marcher ?...d'accord
    - Tu diras également à R.C. Vaudey que je n'ai jamais connu l'amour sensuel de la façon dont il en parle mais que ça ne me pose aucun souci, si je dois vivre sans le reste de ma vie, je vivrai sans.
    - Bien.
    - Va et essaie d'oublier ce que je viens de te dire. Il n'en restera de toute façon que ce qu'il en restera.

    En s'éloignant, l'assistant rumina in petto un bon moment « il reste ce qu'il reste », puis il se mit à courir en direction de son maître, ignorant tout du paysage.

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  9. Erudits que vous êtes, permettez moi de ne pas citer mais de me lancer, de m engager bras en croix en ces temps de Pâques.
    Selon moi, pour répondre à Cédric, un livre, une rencontre, un échange sont anecdotiques pour les faits qu'ils recouvrent. Ce qui est essence, ce qui fait qu'ils auront eu une véritable existence, c'est s'ils nous autant ou non modifiés.
    Alors certes, les humains ne sont que goutte d'eau, mais pour eux-mêmes ils sont un tout. Ils sont même le tout. Dans lequel ils font ou non cohabiter le quotidient, le Surtout ou non de dieu ou du diable, ils font ou non de la place à tel ou tel Autre ou autre, ....
    Alors pour en revenir au propos initial de notre hôte, peut-être tout cela n'est il que vide, mais dans ce cas j'aime avoir le vertige.
    Dans ce cas seulement.

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  10. L'Hôte ouvrit les yeux et fixa la ligne blanche du fleuve, l'oiseau de nuit s'envola en silence, de sa main droite il dessina une courbe et s'y glissa, le jour pouvait l'accompagner.

    Bien à vous tous

    Philippe Chauché

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