mardi 10 septembre 2013

Le Jeu en vaut la Chandelle



Le lecteur curieux ouvrira bien un jour et par hasard ce petit livre aux phrases toniques ( au sens musical du mot - son principal auquel, dans chaque mode, il serait impossible d'en substituer un autre, sans détruire ou altérer le sens de la phrase - ) et aux éclairs vifs, comme le sont les moralistes que l'auteur invite à sa table d'écriture et de conversation, et que l'on se rassure, si la plupart ont semble-t-il quitté les aléas du monde, Frédéric Schiffter a avec eux quelques échanges de phrases et de petites balles jaunes qui auraient d'évidence leur place sur un cours de tennis ombragé où des jeunes gens élégants perdent leur temps avec style et un talent certain. Car tout est affaire de style pour l'amateur de surf et de Clément Rosset, le reste n'est pas son affaire, il ne s'en occupe point, comme d'ailleurs de tenter de faire de son lecteur curieux et hasardeux, un disciple  bigleux ou un admirateur muet - une pratique dont nos modernes philosophes du bonheur se chargent avec un bel intérêt - ma cassette, ma cassette !
 
Ici, pour qui sait lire, le jeu est ailleurs, et il en vaut la chandelle !
 
Musique Don Schiffter :
 
" Un philosophe d'occasion, un esthète épuisé, un frondeur abattu, une marquise cafardeuse, un aventurier sans cause, un métaphysicien insomniaque, un nihiliste apocalyptique, un réactionnaire à vif, un anarchiste sentimental, un adepte du suicide non pratiquant, les figures que j'évoque ici forment une aristocratie transhistorique de l'ennui - montrant par là l'éternité de la maladie du temps. "
 
Leurs noms : Socrate, l'Ecclésiaste, La Rochefoucauld, Mme Du Deffand - dont j'ignorais tout - ou encore Hérault de Séchelles, Cioran ou encore Roland Jaccard, de quoi se divertir en attendant un tsunami.
 
" Les juges passent au vote. Par une majorité de soixante voix, ils déclarent Socrate coupable. Comme le veut la loi, il lui est permis, de même qu'a ses accusateurs, de proposer une peine. Ces derniers réclament la mort. " Comme je n'ai jamais nui à personne, dit Socrate, je ne vois pas pourquoi je nuirais à moi-même. Aussi je demande la relaxe et une pension de sénateur. Athènes me doit bien cet honneur. " La provocation réussit. Outrés, les juges prononcent son arrêt de mort. Le condamné devra, dans un mois, au retour de la flotte marchande partie pour Délos, périr par ingestion d'une substance létale.
A la date fixée, dans sa cellule,, entouré de ses amis en pleurs, Socrate lève sa coupe en hommage à Dionysos et boit d'un trait son dernier cocktail - une dose de ciguë pour trois doses de vin. "
 
" Quand elle ouvrit son salon, Mme Du Deffand y bannit quant à elle toute éristique. Accoutumée dès sa jeunesse aux mœurs libertines de la cour du Régent - dont elle fut l'une des plus jolies maîtresses -, puis, après la mort de ce dernier, aux règles du commerce mondain que la duchesse du Maine avait imposées au château de Sceaux, elle n'entendait pas que les idées eussent le primat sur les potins et déclenchassent des conflits à l'échelle de son appartement - sans compter qu'elle y recevait nombre de diplomates. Sachant les philosophes prompts à débiter sans retenue leurs doctrines et les gentilshommes enclins à s'en moquer ou à s'en offusquer, elle exhortait les premiers à ne jamais s'appesantir et évitait ainsi à la cérémonie de la conversation les écueils du pédantisme et de la morgue. "
 
à suivre et à lire
 
Philippe Chauché

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