dimanche 3 novembre 2013

Cette Part d'Ivresse




 

« Perpétuel printemps du temps. A travers et par-delà les saisons, les pays, les années. Immortalité individuelle reconquise.
Vraie vie secrète, solitude radicale, communication véritable, à l’infini. »

 
L’Infini, collection imaginée et dirigée par Philippe Sollers,  n’a jamais aussi bien porté son nom. Car c’est bien d’infini dont il est question avec ce roman de Frank Charpentier, infini de la langue, de la poésie, du roman, qui prennent leur source au cœur même du Livre des livres, celui qui a lu et bien lu Rimbaud. C’est disons-le, l’enfance des choses, et les miracles qui nous occupent sont ceux de la langue et du style, de la poésie au roman, contagion divine, colorée et musicale.

Il s’agit de prendre tout cela à la lettre, et d’accorder ses phrases au mouvement infini du corps, du verbe et du temps, saut dans le temps, de la Genèse au siècle de Baudelaire « le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu » qui a sa réponse, et quelle réponse : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. »

La musique est cette part d’ivresse qui nous saisit, complément d’objet direct, direct de l’âme au corps, du corps à l’âme. Pour se faire, se lever et écrire, marcher et écrire ce que l’on vit et ce que l’on vivra dans les siècles et des siècles.

Et si Rimbaud, soi-disant poète éphémère de la jeunesse révoltée et insouciante, qui a disent-ils cessé d'écrire dans sa fuite trafiquante, trafiquer les phrases ou les armes ? Mais si Rimbaud était pour qui sait le lire de face ou de biais, un homme de l’immersion dans une langue et sa mécanique sacrée, un poète qui en sait beaucoup sur la mesure du silence et la couleur des phrases ? Rimbaud : écrivain de l’escapade vagabonde au centre du Livre, où tout déplacement dans le temps est un mouvement dans l’espace. Ici et maintenant à Paris. C’est aussi ici et maintenant, au Harar, de nouvelles Illuminations livrées par la poste et décachetées par Frank Charpentier. D’une lettre l’autre, comme l’on passe de l’enfer au paradis, de Verlaine à Noé, de l’Occident à l’Orient, une dernière lettre, toutes les lettres.

 
« Définition de l’enfer : le centre est nulle part et la circonférence partout, ça s’appelle aussi l’enfer-me-ment ! Le paradis : la circonférence n’est nulle part, le centre est partout chez lui, infracassable noyau de lumière nature, et ensuite pas de limites, de mauvaises limites. »

Comme chez le gnostique Philippe, Rimbaud expérimente un retournement : la résurrection durant la vie, - scandale des scandales –. Immersion permanente dans le Livre,  autrement dit dans la liberté libre. Je fais ce que j’entends et n’attends rien de ce que l’on veut que je sois - l’inverse de la domination sociale -. Le narrateur du roman de Frank Charpentier met l’œuvre du poète au diapason de sa vie et inversement. Ayant tout connu de l’état des hommes et de leur surdité, il peut musicalement traverser l’aventure de la poésie, et l’illuminer d’une autre lecture : l'alchimie du verbe. Prendre chaque phrase, chaque poésie à la lettre. A. R. – Arthur Rimbaud, mais aussi A Réaliser –, L… – le Lien, elle seule  -, sans s’encombrer des fariboles fumeuses et funestes que véhiculent les gloseurs assis. Roman évènement, La Dernière Lettre de Rimbaud est aussi un roman avènement, comme on le dit du printemps.
 
" Mais d'abord, printemps égale pour moi primevères. C'est le signal. Primevères odorantes, perçant dans l'herbe ou sur la mousse, jaunes, roses, d'un rose pâle ou plus foncé tirant sur le rouge ou le mauve, il y en a partout mais surtout derrière la maison de mon grand-père, dans le grand jardin-verger, semés çà et là au pied des pommiers, des cerisiers, des bigarreautiers, des pruniers bientôt en fleur. "
 
D'une saison l'autre, comme des llluminations le roman  :
 
" J'ai embrassé l'aube d'été. "
 
à suivre

Philippe Chauché


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