« Aboli bibelot d’inanité sonore », Mallarmé
« Ferai un vers de pur néant », Guillaume d’Aquitaine
L’air de rin est né de deux vers, l’un pour 132 variations et l’autre en offrant 66, pour de courts aphorismes, des vers chantants, surprenants et plaisants, des vers inspirés, des variations chaotiques et réjouissantes, et le tout en musique, les deux vers n’en manquent pas, et Bruno Fern se les approprie pour les faire chanter à son tour.
« Le temps – Aplanit les lolos, racornit les pectors ».
« Pragmatique – A poli son topo, formaté tout confort ».
« Angélique – Fouirai l’éther en voletant ».
« Comédien – Feindrai de faire tout en faisant ».
Bruno Fern, l’air de rien, offre là un petit diamant aux 198 éclats, des faces qu’il a polies avec l’attention d’un diamantaire. Il pratique l’art du bref et de ses éclats, pour cela il faut non seulement en savoir beaucoup sur la musique des mots de Mallarmé et de Guillaume d’Aquitaine, pour s’en inspirer, pour livrer ces courtes phrases, ces thèmes, ces ritournelles poétiques, ces flèches et ces pointes.
« Private Beach – A l’abri des prolos, distingués de la dorent ».
« Stoïque – Amollit le mélo – dramatiser, c’est mort ».
« Anxieux – Flipperai sévère rien qu’en vivant ».
« Esprit pratique – Flanquerai la mer dans l’océan ».
L’air de rin joue sur les mots et se joue voluptueusement des situations les plus incongrues, il claque des doigts et elles apparaissent. Un mot, un verbe enclenchent la machine à fictions et à frictions. Aboli, fait naître A failli, mais aussi Acabit, ou encore Alibi, et A blanchi, ou Ahuri et A minuit, et pour que le mot, pour que le verbe fasse l’affaire, il doit faire naître cette microscopique fiction, cette histoire née dans une éprouvette. L’air de rin joue à la roulette russe avec la poésie, chevauche le hasard pour faire apparaître des histoires pour de rire, un verbe au pinacle, Ferai, et Allons-y Alonzo dynamiter l’décor, ce qui donne au petit bonheur la chance, une chance particulièrement maîtrisée,Fleurerai, Feuillerai, Fâcherai, Fesserai, et Flatterai. On grappille, on goûte, on hume ces phrases avec délectation, ce n’est plus un livre, c’est un caveau vigneron d’où jaillissent mille senteurs d’automne.
« Narcissique – A pratiquer l’égo l’altérité s’essore ».
« Veinard – A bibi à l’hosto vue du côté du port ! »
« Colosse – Fendrai la pierre en éternuant ».
« Explorateur – Flécherai déserts et océans ».
L’air de rin est un petit livre rieur, rageur, rugueux et riche d’humeurs, écrit sous la protection de l’OuLiPo, de savants et savoureux amateurs de contraintes littéraires, où chaque phrase est un roman en devenir, et au devenir perturbé. En trois ou quatre mots, Bruno Fern chevauche la poésie comme Guillaume le troubadour, ses chansons d’amour.
Philippe Chauché
http://www.lacauselitteraire.fr/l-air-de-rin-bruno-fern
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