vendredi 13 février 2009

Le Mouvement du Temps (2)



C'est un livre minuscule, un livre étroit et sec que l'on peut glisser dans la poche intérieure de sa veste, il s'y accordera avec bonheur aux battements de son coeur, un livre aux mots justes et choisis, c'est la moindre des choses me direz-vous, mais c'est très rare, aussi rare finalement que les apparitions du torero dans les ruedos lumineux d'ici ou de là-bas, un livre chinois inspiré, comme le sont les envolées, de poètes militaires de l'époque des Thang :
"... Heureuse lune ! elle ne quitte point ce pavillon. Rien ne saurait l'en écarter.
Elle pénètre jusque dans la demeure de celle dont je suis séparé.
Elle illumine sa porte, qui devient alors blanche comme le jade,
Et dès qu'on lève les stores, elle est au fond de l'appartement intérieur..." (1) c'est un petit livre sérieux et amoureux du Temps et de l'Instant, il saisit l'insaisissable mouvement intérieur de cet homme admirable. Il raconte cette courte traversée de l'histoire, retour sur "ça", à Barcelone et à Madrid, retour sur ces envolées dont se souviennent ceux qui les ont vues et ceux qui ne les ont pas vues, cela n'a peut-être pas d'importance, les échos de ces faenas majestueuses résonnent encore aujourd'hui, ils résonneront longtemps encore, et vérifieront demain, dans le printemps du Temps, que l'on a là, affaire à un homme digne d'être vu et entendu.

" Dans la Monumental quasiment pleine à ras bord, quelques mouchoirs blancs ont commencé à s'agiter. Cinq ou six. Puis plusieurs dizaines, puis des centaines et des milliers. Et José Tomas, au centre de la piste, le voilà comme un phare entouré de mouettes. Les mouettes demandent la grâce du toro de Nunez del Cuvillo. La muleta de Tomas aussi. Dans des séries de derechazos et de naturelles, cinq, six, sept d'affiliées, de plus en plus épanouies, harmonieuses et profondes, elle aspire les attaques de plus en plus vibrantes du brave et noble Idilico et ce va-et-vient de grand fond soulève une écume de plus en plus épaisse de mouchoirs blancs et d'olés noirs.
On appelle ça "toréer al compas". Le rythme, le compas, cette cadence, Tomas et Idilico les machinaient à l'unisson et nous autres, on était enfermés dans ce seul battement de coeur. " (2)

à suivre

Philippe Chauché



(1)Tchang-Jo-Hou / Poésies de l'époque des Thang / traduct. du Marquis d'Hervey-Saint-Denys / Éditions Ivrea
(2)José Tomas / Madrid, Barcelone 2008 / Jacques Durand / Acte Sud - Carnets Taurins

1 commentaire:

  1. Vous écrivez tellement merveilleusement bien dès qu'il s'agit des livres et de tauromachie que cela en est presque indécent !
    Indécent surtout pour ce qui est de ne point avoir vu de corridas depuis des lustres et là vous me placez carrément dans un état d'immense frustration ! Le moins que l'on puisse dire c'est que vous savez mettre l'eau à la bouche et ce en plein mois de février, c'est à la limite du irrecevable !
    Bon, je ne désespère pas de revoir un jour ces fameuses faneas, ces sublimes taureaux, cette danse aussi sublime que magique peut-être même avec la présence du duende et qui sait dans mes rêves les plus fous, dans les fabuleuses arènes de Séville !
    Le rêve est dans tous les cas toujours permis et pour celui-ci l'initiateur s'appelle Philippe Chauché. M.

    RépondreSupprimer

Laissez un commentaire