dimanche 14 mars 2010

Journal du Temps (2)

Il se dit, il en va des livres comme des corps, ce n'est pas vous qui les lisez, mais ce sont eux qui vous lisent. Il en est des livres comme des corps, perdus, ils perdurent, ajoute-t-il. Il écrit aussi, les corps s'ouvrent comme les livres, ils ont parfois le même éclat net et coupant, la même légèreté éblouissante, et vous offrent la grâce. Il se dit aussi, lorsque le temps est venu du regard perdu, le livre doit esquisser la danse du renouveau. Il écrit, les livres doivent sauver du déchirement de la Courbe du Temps.

" Depuis quelques temps Bosmans pensait à certains épisodes de sa jeunesse, des épisodes sans suite, coupés net, des visages sans noms, des rencontres fugitives. "
(1)





Il se dit, ce livre déroule le Temps, et s'accorde à mon propre déroulement. Eclats de noms oubliés qui renaissent par le miracle de l'art du roman. L'art du roman, devient là une Révélation. Les noms ont un corps, les corps un mouvement, un nom. C'est un chinois, cet écrivain se dit-il, ses phrases appliquées à l'encre noire saisissent en un éclat de mots de mouvement intérieur du roman.

" Bien des années plus tard, il s'était retrouvé par hasard dans cette rue Bleue, et une pensée l'avait cloué au sol : Est-on vraiment sûr que les paroles que deux personnes ont échangées lors de leur première rencontre se soient dissipées dans le néant, comme si elles n'avaient jamais été prononcées ? " (1)

Il se dit, écrire c'est faire apparaître un corps lorsqu'on écrit son nom. Il ajoute dire le mouvement d'un corps, c'est sauver un nom, sauver un nom, c'est l'écrire dans l'horizon lumineux du verbe.

" On se dit que le temps n'a peut-être pas achevé son travail de destruction et qu'il y aura encore des rendez-vous. " (1)

Il ajoute, le roman français est là devant moi, la haute idée du roman qui déchire l'oubli. Déchirer l'oubli, voilà l'horizon.


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à suivre

Philippe Chauché


(1) L'horizon / Patrick Modiano / Gallimard

5 commentaires:

  1. La mode est à la soumission sans condition.
    Il est fini le temps de la liberté d'expression, des millions de petits chefs lisent et obéissent à leurs petits formulaires. Et souvent ceux-ci contiennent des atteintes à la dignité humaine sans qu'ame y trouve à redire.
    Alors avant de déchirer quoi que ce soit !
    cordialement

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  3. Heureuse de vous retrouver, Philippe.

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  4. Enfin une publication, on a failli attendre !
    Blague à part, je suis heureuse de ton retour !
    Ce n'est pas parce-que je ne laisse plus de commentaire que je ne suis pas attentive à tes écrits !
    Et, je suis certaine que je ne suis pas la seule !

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  5. "Il écrit : les livres doivent sauver du déchirement du temps."

    Les livres sauvent du déchirement du temps !!! "doivent" est, à ne pas en douter, superflu !!!!

    Écrire, bien plus encore que lire, sauve davantage.

    Philippe, s'il te plait, pour le plaisir de tes lecteurs, mais, surtout pour toi, ne reste plus si longtemps sans écrire, tu es né pour cela, pour apporter du plaisir et t'en donner par le biais d'un art, d'un talent, qui ne sont pas donnés à tout le monde !
    Ne déçois jamais les fées qui se sont penchées sur ton berceau !!!

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