mercredi 9 novembre 2011

Faenas (5)

José Bergamin y Raphaël Alberti - Las Ventas - Madrid


" Le spectacle d'une course de taureaux ne vaut pas seulement par l'impression sensible que nous en recevons, si forte soit-elle. Plus cette impression sera uniquement sensible, moins elle sera intelligible, et plus il nous sera difficile, de lui attribuer une valeur morale et esthétique. Pour savoir ce que vaut moralement ou esthétiquement le toreo, il faut avant tout le comprendre. Et comment le pourrions-nous s'il répugne à notre sensibilité, si celle-ci s'oppose obscurément à lui ? Ceux qui, sous prétexte d'une exquise sensibilité, se refusent à comprendre cet art pourront se vanter de tout ce qu'ils voudront, de tout absolument sauf d'intelligence. Ils pourront se targuer d'une sensibilité instinctive, primitive, rudimentaire, toute de réflexes comme celle de l'animal, sans que ces réflexes psychopathétiques révèlent pour autant une sensibilité délicate... Une sensibilité vraiment délicate est une sensibilité ferme, sûre, exercée, comme celle d'un chirurgien, c'est-à-dire de conception ou de rationalisation ultra-rapide. Et seule cette rapidité fonctionnelle, à partir de la sensation, peut permettre le toreo, c'est-à-dire l'abstraction, la conceptualisation immédiate par la pensée d'une expérience sensorielle : vérification dangereuse relations évidentes qui se déroulent dans le temps et l'espace sensibles, avec l'exactitude précise et abstraite d'un temps et d'un espace mathématiques... Le toreo est un jeu vif de l'intelligence, si exclusivement intelligent que la plus infime erreur contre l'exactitude, dans l'exécution de suertes, peut coûter la vie au combattant. " (1)




Le jeu vif de l'intelligence, voilà note-t-il, une bien belle manière de définir le toreo, cet art de l'abstraction que tous nos aimables nationalistes catalans, altermondialistes amis des animaux, philosophes chichiteux et chansonniers populaires ne peuvent en saisir la portée tellurique et soyeuse, cet art de géographes et de mathématiciens lettrés est insaisissable, sauf à être un adepte du savoir et de la saveur.





El Juli

à suivre

Philippe Chauché

(1) José Bergamin / L'art du Birlibirloque / traduc. Marie-Amélie Sarrailh / Le temps qu'il fait / 1992

1 commentaire:

  1. Je vous lis, mais mon emploi du temps a le hoquet.

    Les aficionados, se souviennent de l'été.
    L'hiver des toreros pointe son nez.
    De l'autre côté de l'Atlantique, la fête commence!

    Une nuit toute de naturelles pour vous.

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