mercredi 19 décembre 2012

L'Oiseau de Nuit




La voix, le silence, la manière et le style, une autre façon d'être au monde, c'est bien de cela dont il s'agit.
La voix la nuit, du jour au lendemain comme un roman qui ne cesse de s'écrire sur France Culture, que ne cesse d'écrire Alain Veinstein dans un tempo dont lui seul à la clé, oiseau de Minerve qui fixe le passage du Temps, à la manière de Bill Evans, penché sur son clavier, la voix se livre à un micro et à l'autre voix qui croise la sienne, l'inverse du tumulte bavard dominant.

Exercice de style : " Si ma voix se reconnaît à sa douceur, elle le doit sans doute à un timbre agréable, un ton calme et mesuré, des inflexions caressantes, une élocution lente, aussi claire que possible, marquant à l'occasion des pauses pour souligner les effets à venir, parfois de longs silences donnant les gages d'une sincérité qui inspire confiance.
Or, cette voix, dont je me sens désormais assez sûr de l'effet, qui administre la preuve de sa franchise au fur et à mesure qu'elle se fait entendre, vit largement sa vie sans moi. Tout va très vite sur ce champ de bataille à haut risque qu'est la radio : même une voix peut abandonner un corps blessé. "
" Le casque agrandit la table. Le retour de ma voix ( l'autre voix, celle, moins nue, de l'interviewer ) m'aide à me situer sur une autre scène, supposée moins réelle. Il brouille, de toute façon, les repères qui devraient m'interdire de tenir une telle conversation à pareille heure. "

Vu et entendu : " Son visage brille, s'anime, aidé par un sourire à la chaleur communicative. Il voudrait parler avec des mots brûlants, en provenance directe du brasier. Je me laisse porter par les inflexions de sa voix, qu'il baisse, par moments, pour la laisser repartir de plus belle. A la manière d'un percussionniste, il ponctue la fin de ses phrases en tapant du bout  de son index sur la table. "
" Forte impression de déjà entendu. Oui, j'ai déjà entendu ce discours d'innombrables fois. Cette très jeune femme répète tous les clichés du jour comme un perroquet. Elle doit lire Libération chaque matin et Les Inrockuptibles tous les mercredis, comme d'autres, il n'y a pas si longtemps, passaient leurs journées à la Bibliothèque nationale. "
" Avide de parole, il reçoit mes questions comme un mendiant des pièces. Il fait son miel de chaque mot qu'il prononce. Mais une question, soudain, semble réveiller une souffrance. Il y répond les yeux fermés en me donnant l'impression de se vider de son sang. D'ailleurs, il porte la main à sa bouche, comme pour s'assurer que le sang ne coule pas. L'effroi plaintif de sa voix... "



à suivre

Philippe Chauché

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