dimanche 30 décembre 2012

Manières de Manet


Peindre c'est écrire, mais autrement, dans une sorte d'avancée du corps, Manet lorsqu'il écrit à quelques jeunes femmes admirées, écrit comme il dessine. Deux traits trois phrases, deux phrases trois couleurs, et faites avec ! En écoutant ce qui se voit, on comprend s'il le fallait, ce qui habite le peintre, trouver le geste juste et la phrase nette, la phrase juste et le geste net, laisser la nature - la belle nature - se poser dans ses lettres, comme l'on pose un baiser sur le front d'une belle connaissance, justesse du geste du peintre, comme chez les classiques, ces classiques admirés par Manet, contre tout et contre ses contemporains, qui comme les nôtres, pense-t-il, ne manquent pas d'air, alors qu'ils devraient s'effondrer faute de l'avoir vraiment respiré.
Peindre c'est écrire :
" à Isabelle, cette mirabelle et la plus belle c'est Isabelle. " (1)
" je vous embrasserai si j'osais. " (1)
" je vous ai envoyé la première prune de mon jardin voici la dernière elle est pour vous. " (1)




Écrire c'est parfois s'accorder au mouvement d'un peintre, écrire contre ce qui s'écrit partout sans saveur et savoir, illettrisme dominant et vulgarité affichée, l'un de va pas sans l'autre, la soit disant modernité s'en abreuve, et la bêtise s'en nourrit. Mais parfois, un éclat comme un trait de Manet, une aquarelle comme une lettre volée et le Temps y retrouve son mouvement, qui est celui de la Beauté, éclaircie et éclairs, pinceaux et crayon.

" Huîtres, citrons, asperges, jambon, roses, champagne, pivoines, et deux Victorine ! et trois Méry ! Ni Dieu, ni Maître, ni Matriarcat : certains peintres se sont battus pour ça. Manet a vaincu tous les arriérés de son temps, qu'ils soient réactionnaires, socialistes ou naturalistes (...). " (2)




Le peintre écrit toujours une fleur à la main, un fruit à porté de palette, les ânes y perdent leurs grandes oreilles bouchées, c'est heureux, moins sommes nous à entendre tout cela, mieux nous respirons.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Manet, lettres à Isabelle, Méry et autres dames / Arts et Métiers graphiques - Centre Georges Pompidou - Flammarion - Herscher - Skira / exemplaire n° C 22 / 1985
(2) L'Eclarcie / Philippe Sollers / Gallimard / 2012

5 commentaires:

  1. Huîtres, citrons, asperges, jambon, roses, champagne… une belle connaissance — ou mieux encore…— sur le front de laquelle pouvoir poser un baiser, voilà tout ce que nous vous souhaitons, ainsi qu’à vos lectrices, pour finir l’année ; et la même chose, toutes et quantes fois que le désir vous en viendra, pour l’année qui vient…

    Bien à vous,

    R.C. Vaudey

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  2. "Peindre c'est écrire, mais autrement."

    Très joli !

    Je vous souhaite quant à moi ce que vous vous souhaitez à vous-même.


    P.-S. : ( soi-disant )

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  3. Ah ! Ah ! Quel stoïcisme, cher Cédric ! En négligeant, volontairement, les lecteurs de Philippe Chauché, j’escomptais bien quelque protestation de leur part… mais non… !
    Donc, je donne la bonne version : « voilà tout ce que nous vous souhaitons, ainsi qu’à vos lectrices et lecteurs… »

    À vous,

    R.C. Vaudey

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  4. J'avais bien noté, cher Vaudey,
    Cette gent masculine négligée
    Dans vos mots si bien tournés.

    Mais en moi aucune protestation en effet,
    Force est de constater que pour vouloir ce que je veux, jamais je n'aurai besoin d'attendre qu'on me le souhaite...

    Peu importent les souhaits, nous aurons ce que nous aurons.

    Ceci dit je vous souhaite évidemment le meilleur, comme je le souhaite à tout monde, y compris à ce 'pire ennemi' que je n'ai pas...

    Bien à vous tous. Vous saluerez Héloïse.


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  5. A vous un regard solaire et quelques situations nouvelles.

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