" Les choses arrivent sans qu'on les voie. Si les mauvais coups avaient des clochettes aux pieds on le saurait. C'est la faute à personne. Chacun obligé de mettre un jour devant l'autre. Pour être tout à fait sincère il avait un peu vu la grisaille pointer son nez. Une sorte de déception latente dans les yeux de sa femme. Des silences fatigués. Des sourires un peu forcés. Même pendant l'amour. Tout ça dans le siphon siphonné des problèmes de sous, de voisins, de boulot, de crédit, de famille, de fuite d'eau. Beaucoup de bruit pour rien. "
Thomas Vinau, toujours juste, net et précis. Son dernier opus, dont il sera bientôt question dans La Cause Littéraire, est un petit ouvrage incisif, gracieux, une fantaisie du détachement et de la fuite : disparition de l'aimée, une arche dans un cerisier, l'apparition d'une tortue vagabonde, d'une flutiste appliquée, d'un clochard céleste, et de quelques nuages dont il faut prendre soin, Altocumulus de tristesse, Cirrus de joie, voyage au bout de la nuit nuageuse sous la protection d'écrivains qui lui indiquent le sud.
La télévision serait bien inspirée de laisser les écrivains commenter en direct les rencontres du Mondial de football, le style sur la pelouse rencontrerait enfin celui du verbe au micro, on peut aussi rêver que Roland Garros soit offert par exemple à Thomas Ravier - Le scandale McEnroe. En attendant des jours plus vifs et plus inspirés, on peut couper le son et ouvrir la dernière livraison de Desports - le premier magazine de sport à lire un verre de viognier à la main -.
" L'heure du Brésil a sonné, inutile d'attendre le coup de sifflet final. Les supporters tirent des feux d'artifice et agitent leurs mouchoirs, blancs, la couleur des maillots brésiliens à l'époque, une mer de coton ondule joyeusement dans les travées du stade, la plus grande enceinte du monde, soucoupe de béton et d'acier érigée par les Brésiliens pour célébrer leur futur triomphe. " (Olivier Guez)
" Le
courage des hommes, leur attachement à la liberté, leur combat contre l’occupation
et la dictature. Ces hommes qui n’étaient pas taillés comme des héros. J’ai
revu Jean Meyer, alias commandant Gervais, lors d’une rencontre à Velleron.
Aujourd’hui, à plus de 90 ans, il est cassé en deux, ses mains sont déformées
comme l’acier sous la flamme. Il y avait une photo de lui, il avait 20 ans.
Grand, athlétique, souriant. Ce devait être l’été, il était torse nu à côté
d’une moto, avec un ami, dans une cour de ferme. Était-ce l’été 44, l’été de
tous les combats, celui de la libération ? Rien ne l’indiquait, comme rien
n’indiquait qu’il était en clandestinité et qu’il participait à la transmission
et aux sabotages… Lui, comme tous ceux que j’ai croisés, m’ont apporté la plus
grande richesse qu’un homme puisse posséder : l’humilité. L’humilité
accompagnée d’humanisme, de générosité et de pardon. Ceux qui pourraient en
vouloir à la terre entière pourraient nous donner des leçons. "
On peut en lire plus dans La Cause Littéraire :
http://www.lacauselitteraire.fr/rencontre-avec-l-ecrivain-dominique-lin
Granada, le Corpus Christi et le Torero : " 11000 personnes l'ont vu mort. La corrida s'ennuyait depuis quatre toros. Quatre petits animaux sans force ni race. Le cinquième, un Victoriano del Rio, costaud et compliqué, a foncé cinq fois dans la cape de José Tomás. Cinq véroniques lourdes et lentes, cinq fois la croix traînée vers le calvaire. La nuit était tombée. Sur les gradins, les mille lucioles des smartphones donnaient à la scène un décor étrange. A la muleta, José Tomás l'attendit plein centre. Cinq passes données pieds joints, regard sur le sable et poignet d'osier. La faena qui suit est une merveille : plus le toro affirme la brusquerie et le désordre de ses charges, plus le torero expose calme et relâchement. Ceux qui ont déjà vu José Tomás comprennent ce qu'on veut dire. Les autres n'ont qu'à aller à León ce dimanche. Si José Tomás y vient. Ce qui, à l'heure où nous écrivons ces lignes, n'est pas acquis. Car à la fin de la faena, après une sublime série de naturelles, il tourna le dos a l'animal et se mit en chemin, très lentement vers la barrière. Le toro fonça. L'arène ne fut qu'un hurlement. Les peones se précipitèrent. Le toro frappa deux fois et projeta le torero : il vola longuement sur les cornes, puis on crut voir un pantin désarticulé qui gisait sur le sable.
On le crut mort. On se signait en pleurant.
Finito de Córdoba prit l'épée pour tuer le toro. Sans y parvenir : il pinchait. Au milieu de ce désordre, soudain, l'on vit José Tomas sortir de l'infirmerie et retourner en piste. L'arène fut prise d'un délire indescriptible.
Ce n'est pas très règlementaire, mais José Tomas reprit l'épée et la planta jusqu'à la garde. Deux oreilles.
Puis la nuit, ouverte, pour rabâcher tout ça..." Joël Jacobi
à suivre
Philippe Chauché
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