samedi 8 novembre 2014

Brendel dans La Cause Littéraire







« Attaque -  Il existe peut-être des interprètes qui préparent une attaque, une attaque contre le public. Le son du piano leur rendra la monnaie de leur pièce.

Tenons-nous-en à des mots plus aimables, comme touch et toucher.

Que l’on me comprenne bien : on peut avoir un grand jeu, et même un jeu immense, sans enfoncer le son à travers les touches comme avec un couteau. »

D’Accents à Zarzuela pour piano seul, en passant par Danse,  Fantaisie et Scarlatti, Alfred Brendel livre ici son petit abécédaire d’un pianiste, un pianiste qui n’a cessé et ne cesse d’être au cœur même de la musique, que ça soit avec Mozart, Haydn, Schubert, Liszt, ou Beethoven. Il faut le voir jouer la fantaisie après une lecture de Dante de Liszt, ce précurseur radical de la modernité,  le voir danser devant une partition de Bach face à son élève le jeune Kit Armstrong dans le film de Mark Kidel, et le lire.

« Caractère – Mettons aussi en garde les musiciens qui construisent tout sur le sentiment : même si nous reconnaissons celui-ci comme le point de départ et le but de la musique, nous ne devons pas oublier que seul le contrôle, le filtre de la raison, permet l’œuvre d’art. Alors seulement, le chaos devient ordre. »


« Contrôle – Je partage l’opinion de Robert Musil qui, dans L’Homme sans qualités, fait exprimer par Ulrich, son antihéros, l’idée d’un « secrétariat général pour la précision et pour l’âme ».

Que l’on de s’y trompe pas ce petit livre n’est pas réservé qu’aux musiciens plus ou moins accomplis, il s’offre également aux mélomanes amateurs, curieux des rapports qu’entretien le pianiste aux grosses lunettes d’écaille avec son et ses pianos, les grands maîtres - la grandeur, le génie et la maîtrise sont des mots dont mon vocabulaire ne peut faire l’économie - ou simplement la musique, cette musique qu’il a servi avec le sérieux des hommes de fantaisie,  au plus haut point de l’interprétation. Alfred Brendel homme de notes, est aussi écrivain, poète, fin connaisseur de la littérature, un lettré Con gusto : Jadis on avait du goût, désormais on a des goûts, mais dites-moi, où est le goût de ces goûts ? (Schiller).

« Interprète – Une définition antique affirme que les rhéteurs doivent enseigner, toucher et divertir. L’interprète est un rhéteur. Il doit donner des normes au public, et non jouer vers lui en abaissant le niveau. Il doit nous émouvoir, mais  ne doit pas exhiber ses sentiments comme sur un plateau. Et il ne doit pas avoir peur d’être distant et léger, comique et ironique quand la musique l’exige de lui. »


http://youtu.be/6rxU31_CGV4
Rigueur absolue du pianiste de goût dans ses interprétations et dans cet Abécédaire d’un pianiste, précision des remarques et des analyses, justesse du tempo, élégance du propos, qu’il touche à  un compositeur, l’orchestre ou l’interprétation, Alfred Brendel en musicien inspiré livre là, un petit livre qui lui ressemble.

Philippe Chauché


 http://www.lacauselitteraire.fr/l-abecedaire-d-un-pianiste-un-livre-pour-les-amoureux-du-piano-alfred-brendel









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