« Depuis quelques années, mon père n’a cessé d’accumuler des cochonneries qu’il a toujours appelées de l’art contemporain, des œuvres et de prétendus chefs-d’œuvre de l’art contemporain, acquis à grand frais, des choses d’une laideur indescriptible, d’une gratuité, d’une futilité et d’une inutilité absolues… »
Effondrement est un roman de l’héritage, du deuil, du doute, de la colère, de la passion, de l’amour, de la fuite, de la disparition, de la chute et de la renaissance.
Effondrement est le roman de Simon Pinkas, jeune et très doué pianiste, qui apprend la disparition de son père, riche collectionneur d’art contemporain, et cet héritage inattendu et inacceptable va faire flamber le roman. Héritage de cochonneries dont les prix ont été abusivement gonflés par les manœuvres des marchands internationaux, collection d’exception que Simon Pinkas va annoncer vouloir se défaire au plus vite – elle lui brûle l’âme et le cœur – lors d’une vente aux enchères au profit d’associations et d’organismes caritatifs. Décision scandaleuse pour le mundillo de l’art contemporain, qui voit se dessiner son effondrement – Les professionnels soulignent que le marché de l’art est aujourd’hui un secteur vital de l’activité économique et bancaire. Ils réclament aux pouvoirs publics une interdiction de la vente de la collection Maleterre – et fera tout pour s’y opposer.
Effondrement d’Alain Fleischer brille par son invention narrative, sa belle mécanique romanesque : souvenirs de Benjamin Abram, journal de Simon Pinkas, articles de presse, qui s’articulent, se répondent pour donner à entendre cette polyphonie, ce croisement des regards et des styles.
« Chaque jour, j’hésite à tout laisser tomber, à retourner au Waldhaus, où cet épisode de ma vie a commencé, et où la mort de mon père est indissolublement liée à mes nuits d’amour avec Milana ».
Dans le cœur palpitant d’Effondrement, il y a Jean-Paul Maleterre, le père invisible et milliardaire et son double réel amoureux de sa mère, il y a Milana, la fille de la piste et Esti la mère. Il y a cet héritage d’art contemporain qui hante le roman, la maladie qui frappe la main droite de Simon Pinkas et le prive de musique – c’est son effondrement. Il y a l’ami artiste Benjamin Abram, il y a les titres des unes de journaux, un drame, un attentat, une love farm et une valse de Chopin.
Effondrement règle ses comptes avec l’art contemporain des années 20 de l’an 2000, le roman s’y déroule, c’est demain, et par effet de loupe, il vise celui d’aujourd’hui, cet art qui fait bondir et rêver, spectateurs, commentateurs avertis, journalistes avisés, galeries et musées, collectionneurs milliardaires et traders, une farce en dévoile toujours une autre – Plus crétin que l’artiste est son marchand.
« L’illusion a duré quelque temps et puis, au-dessus du clavier, la mécanique de ma main droite est restée bloquée. Pourtant j’ai continué à croire que, si un jour, je parvenais à surprendre ma main droite, à brouiller sa mémoire qu’elle est malade, lui rappelant seulement ce quelle a été, l’intelligence de ses doigts que lui dictait Schubert… »
Effondrement est un roman de guerre et d’amour. Roman de la filiation, du saisissement, de la transmission et de l’insoumission, même si la pompe à phynance finit toujours par l’emporter – la collection ne sera pas vendue et il y aura bien une Fondation Maleterre. Effondrement est un roman touché par la grâce de la musique qui danse, qui danse sous le signe du Gai savoir – nous avons besoin de tout art pétulant, flottant, dansant, moqueur, enfantin et bienheureux – et c’est ce qui va sauver Simon Pinkas – Il ne me reste(ra) plus qu’à retrouver Milana : elle incarne la danse, celle de l’âme et du corps, qui donne son sens à la musique – il a de nouveau rendez-vous avec Chopin, loin, bien loin des cochonneries accumulées par son père.
http://www.lacauselitteraire.fr/effondrement-alain-fleischer
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