dimanche 13 juillet 2008

La Parole


Piera della Francesca
La résurrection 1458

" Au principe était la parole, la parole était chez Dieu et la parole était Dieu.
Elle était au principe chez Dieu.
Tout a existé par elle et rien de ce qui existe n'a existé sans elle.
En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes.
La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas trouvée. (1)

" La Mort est le Maître absolu " a dit un philosophe. Et saint Paul : " Mort où est ta victoire ? " C'est le fond de la question. L'évidence condamne Jésus, il a l'air du plus fou des hommes. Croire en Dieu est en effet une folie. Le plus curieux est qu'elle peut rendre aussi particulièrement raisonnable. Dieu, en somme, est à double tranchant, et le Diable y veille. Il aime les fanatiques de Dieu, le Diable, les dévots, les intégristes de tout poil. Il compte beaucoup aussi sur les déprimés, les mélancoliques, les négatifs, et encore sur les agités, les allumés, les maniaques du profit, la grande mafia du trafic, la bêtise intelligente, l'orgueil, le calcul, l'indiscrétion, l'envie, bref, sur la confusion générale. " (2)

A bien y regarder les dévots, les intégristes, les agités, les mélancoliques et les déprimés se méfient des miracles, et principalement de la résurrection, surtout lorsqu'elle passe par la parole, d'évidence on est en droit de se demander par quoi pourraient-elle passer d'autre ?
Le miracle et la résurrection dérangent tout autant finalement que la jouissance, leur source est la parole.
On ne dit pas le miracle, on dit la vie qui produit le miracle, dire c'est littéralement chasser la mort, c'est désarçonner les diableries organisées quelles que soient finalement leurs apparences.
On ne dit pas la jouissance, on dit la vie amoureuse qui nourrit la jouissance, elle est affaire de mots tout autant que de corps, il en va de même du miracle et de la résurrection. Rendre la parole étrangère à la jouissance c'est la priver de vie.
Kaj Munk a compris tout cela, et Arthur Nauzyciel l'a porté sous le ciel lumineux du Cloître des Carmes, il fallait simplement être au rendez-vous, il fallait seulement se souvenir que le théâtre (merci Claudel) ne peut pas être étranger à tout ça. (3)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Évangile selon Jean / La Bible / Nouveau Testament / traduc. Jean Grojean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros / Gallimard / Bibliothèque de la Pléiade.
(2) L'évènement Jésus / Éloge de l'Infini / Philippe Sollers / Gallimard
(3) Ordet (La Parole) / Festival d'Avignon 2008

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