dimanche 18 juillet 2010
Lui Seul
Il traverse la scène dans le craquètement du jardin de la rue de Mons, habillé de noir et de gris, le livre à la main et dans le regard cette absolue concentration de l'artiste unique.
Il s'assoit à la table, ouvre le livre, et une nouvelle fois le miracle de la voix a lieu, là devant lui, en lui, la parole de l'aquarelliste des mots.
" Je suis dans la chambre de ma mère. C'est moi qui y vis maintenant. Je ne sais pas comment j'y suis arrivé. Dans une ambulance peut-être, un véhicule quelconque certainement. On m'a aidé. Seul je ne serais pas arrivé. Cet homme qui vient chaque semaine, c'est grâce à lui peut-être que je suis ici. Il dit que non. Tant de feuilles, tant d'argent. Oui, je travaille maintenant, un peu comme autrefois, seulement je ne sais plus travailler. Cela n'a pas d'importance, paraît-il. Moi je voudrais maintenant parler des choses qui me restent, faire mes adieux, finir de mourir. Ils ne veulent pas... " (1)
Plus tard, bien plus tard, il va refermer le livre, se lever et quitter la chaise pour disparaître dans le jardin avec la même grâce de l'ange. Il viendra saluer plusieurs fois, comme l'on savait saluer lorsque les temps étaient d'élégance et de mesure. (2)
Les miracles de chairs et de mots existent, il suffit seulement d'une rencontre avec l'inouï.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Samuel Beckett / Molloy / Éditions de Minuit
(2) En souvenir d'Alain Crombecque / Festival d'Avignon / France Culture / Molloy de Samuel Beckett lu par Sami Frey / Samedi 17 juillet / 11 heures / Jardin de la rue de Mons
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Pour ce partage, vif merci.
RépondreSupprimerIl existe heureusement des êtres qui nous permettent ainsi de croire à la beauté.
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