samedi 9 mars 2013

La Chanson de Roland


" Bref, ma vie s'achève comme elle a commencé : dans du coton. Ce n'est ni l'enfer ni le paradis, c'est ma vie, c'est elle qui m'a choisi - ce sont les paroles d'une chanson d'Adamo. Tout est dit. "

En effet tout est dit est bien dit. Tout est dit en moins de deux cent pages, tout est raconté, récit lit-on sous son titre, d'un nihiliste oisif et malicieux,  d'un amuseur privé et parfois public, d'un cynique amateur de jeunes filles en fleurs, de parties d'échecs et de ping pong, d'un fin - comme on le dit d'un vin - connaisseur de Cioran, Louise Brooks et Schopenhauer. L'écrivain est sur la scène de l'édition et de l'écriture comme Cosmo Vitelli - Ben Gazzara - dans Meurtre d'un bookmaker chinois de John Cassavetes, le spectacle continue et ce n'est pas parce que j'ai une balle dans le ventre que je vais vous priver du spectacle de mes girls dévêtues.  The show must go on !

" L'adolescent que j'étais avait lu Bouddha et partageait son pessimisme. Il ne se doutait pas qu'il allait bientôt rencontrer une réincarnation du Bouddha, un Bouddha des Carpates, et encore moins que ce nihiliste malicieux deviendrait mon ami...
Je trouvais son désespoir tonique. Et il l'était. Car ce désespéré alliait perfection du style et noirceur morale. Ce n'était pas tout d'être désespéré, encore fallait-il l'être de manière élégante, ne point dédaigner les paradoxes et saupoudrer d'humour ses propos véhéments. "

" Cette obsession m'a valu deux enquêtes de police sur dénonciation de mes voisins, et une interpellation à six heures du matin dans un hôtel de province. Mes petites amoureuses avaient toutes plus de seize ans. J'ai toujours pris pour règle de négliger la moralité, mais de respecter les formalités. "

" Candy m'appelait souvent la nuit. Je songeais qu'au-delà d'une demi-heure, il est impossible de supporter le malheur d'autrui. Candy le devinait, prenait alors une voix de petite fille et me racontait de délicieuses histoires, où elle s'installait complaisamment dans son rôle favori, celui d'une victime. Celle que je préférais, elle s'en doutait et ne se lassait pas de m'en donner des versions de plus en plus crues, était celle où un photographe la forçait à poser nue dans la boue ou dans la neige. Écorchée, frissonnante, elle se réfugiait dans son studio, observait son corps meurtri dans le miroir, se trouvait moche et m'appelait pour me demander  ce que les hommes lui voulaient. "

" J'étais disposé à partager ma solitude, mais en aucun cas à procréer, le crime suprême selon l'école nihiliste à laquelle je me flattais d'appartenir. D'ailleurs je n'aimais pas les enfants et les femmes enceintes me répugnaient. Les premiers braillaient, les secondes heurtaient mon esthétique. Je me félicitais de n'avoir pas le sens du bien et du mal, mais celui des courbes et des couleurs. "

Tout est dit et finement bien dit. Offrez ce livre et vous vous ferez follement détester, ce qui est, vous le comprendrez en le lisant un bien bel hommage.

à suivre

Philippe Chauché


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