« L’amour cette fois encore lui échappe. Toujours Ginger file, lui à peine endormi, elle file comme la jeunesse et la beauté d’Elvis filent chaque jour un peu plus, elle est un reflet de son passé disparu ».
« Chez lui c’était parfois comme si entre la jeunesse et la grande vieillesse, il n’y avait rien eu, comme s’il y avait de moins en moins. John White était une chandelle brûlée par les deux bouts, et vierge au milieu ».
« John White, c’était un magasin
de porcelaine dans un éléphant. Il déplaçait la boutique précautionneusement, à
tout petits pas et en s’appuyant sur sa canne pour bien équilibrer. Il manquait
sans cesse de trébucher, au moindre mouvement tutoyait le désastre. Mais quand
il ne bougeait pas, le pire était à craindre. Le pire a fini par arriver. D’un
coup ».
Face au pire qui se glisse comme une chanson dans ce roman, Caroline De Mulder mise à la fois sur de beaux instants d’admiration pour Elvis, elle l’accompagne en chaloupant dans les pires instants de sa carrière. Sous la plume de l’écrivain, il résiste, en devient même attachant, on comprend ce qui l’habite profondément, ce qu’il croit de la musique noire de son enfance, ce qu’il sait des mirages qui l’assaillent. Même chose avec Yvonne et John White ce couple impossible qui résiste, qui vit ses éclats et ses folies sous la main de l’écrivain, belles manières de faire confiance à ses personnages et à son style, les uns ne vont pas sans l’autre.
« Elvis est suivi de près :
tous les jours des injections multiples, de vitamines notamment, et en continu
un traitement musclé pour la gorge – la fameuse « angine de Las
Vegas » dont souffrent la plupart des artistes, à cause de l’air du désert
si sec, si poussiéreux. Il traite sa gorge à en perdre la tête ».
« Comme il avait l’air étrange,
énorme, rasé, les cheveux ondulés sur le dessus de la tête, avec ses lunettes
de soleil démesurées en plein mois de décembre. Quand je l’accompagnais au
solarium ou au Freedom, tout le monde se retournait sur nous. John White était
ravi ».
Elvis et John n’ont cessé de malmener
leur corps, et ces corps s’avancent avec une belle pudeur dans Bye Bye Elvis. Même au pire instant,
l’écrivain sait leur donner leur chance, il suffit d’y regarder de près, ce
qu’elle fait, de voir au-delà des apparences pour magazines, du stress et des
drogues. Ils ne cessent de bouger, même lorsqu’ils restent sans envies, assis ou couchés sous l’œil
des gardes du corps ou d’Yvonne, deux corps dont le souvenir persiste comme une
ritournelle que l’on croyait oubliée et que l’on murmure du bout des lèvres
sans trop savoir pourquoi.
Philippe Chauché
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire