jeudi 25 septembre 2014

L'art du Tao du Toreo dans La Cause Littéraire








« Tu possèdes la magie d’une question sans réponse,
Question à la vie et à la mort
Qui renaît au sable des arènes
Entre une ligne d’ombre et un sas de soleil. »

Une date, le 16 septembre 2012, comme un sas de soleil qui monte de l’ovale de Nîmes. Un sas de mots et une ligne noire. Des mots et des lignes de fusain qui se croisent comme se croise José Tomás. Un dimanche matin inspiré, le torero s’avance sur le sable pour un solo, laissez-moi seul, seul face à six toros, pour à son tour dire le je ne sais quoi. Le Tao du Toreo est le saisissement sur le vif de l’art éphémère du torero. Velter, Ernest Pignon-Ernest, Tomás à Nîmes, combien de phrases, de dessins, de passes au centre de l’arène et du livre ? Économie du geste, geste de l’économie, un mot, deux, trois, une phrase, un dessin et cela suffit. Il en reste l’éclair et l’éclat.

« Chaque geste a retenu son amplitude,
Chaque avancée s’est voulue sur la réserve,
Chaque sursaut a anticipé son arrêt,
Chaque appel à suscité un écho assourdi,
Jusqu’à rêver d’un mouvement immobile. »

Il a donc fallu que ce 16 septembre ait lieu pour que tout s’accorde, il a fallu l’incroyable pour voir le croyable. André Velter et Ernest Pignon-Ernest s’accordent à cet instant suspendu, cet enchantement, ce bouleversement, cette immobilité rêvée,  cette voie royale, devenus une évidence. Evidence du mouvement de poignet du dessinateur, comme l’est celui de José Tomás, évidence de la cadence des phrases d’André Velter, comme le sont les naturelles du torero de Galapagar.

« Sa loi n’appartient à nul autre.
La connaissant il est en ordre avec lui-même.
Etant sans rival il triomphe.
Triomphant il recouvre les yeux de ses dix ans. »

Ce 16 septembre fut à chaque instant unique, parfait, les souvenirs le deviennent tout autant. Ce petit livre en est la trace, la mémoire libre. Plus que n’importe quel homme de lumière, José Tomás inspire les écrivains - Jacques Durand, Mario Vargas Llosa, Simon Casas -, par sa gestuelle réduite à sa plus simple et compliquée expression (Durand), par son style unique, la profondeur de chacune de ses passes, cette absence totale d’affectation lorsqu’il toréé – Un héros doit rassembler en lui, autant qu’il est possible, toutes les vertus, toutes les perfections, toutes les belles qualités, mais il n’en doit affecter aucune – Baltasar Gracian – Le Héros –. Son histoire est celle d’un héros, la mort l’a embrassé  plusieurs fois, la dernière étreinte Mexicaine aurait pu lui être fatale, mais il en est revenu, comme il était parti, comme si de rien n’était.

« Il agit, ô combien, sans agir plus que ça
Pour détourner la charge,
Placer le leurre en vérité
Et se retrouver arpenteur funambule
A toréer dans l’inconnu. »

Une force fondamentale coulait dans les veines du torero ce dimanche matin, une éthique unique, une part très chinoise et très ancienne qui en fait un être à part. Torero certes, mais à des années lumières de ce qui se montre ici et ailleurs dans les arènes,  une attention sacrée au moindre mouvement, au moindre geste, un art martial, une beauté unique qui conduit à l’éternité et au chavirement du poète et du dessinateur.

Philippe Chauché 


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