" Il y a des jours où l'on aimerait écrire, en parodiant un titre célèbre, le pamphlet suivant : littérature de la misère, misère de la littérature. On y décrirait la curieuse promotion, partout présente, de la lassitude et du désespoir, de la pauvreté d'imagination et de style, ou encore de l'irrationnel au service des managers ( la dernière trouvaille consistant à vous demander d'appeler Divinitel pour trouver, grâce à votre horoscope, l'emploi convenable à votre apparition sous les astres ). On essaierait d'analyser les causes de ce désarroi menant à l'amnésie ou à l'exotisme, au populisme précieux, à la perte de vocabulaire sur fond de fascination pour la douleur. On y ferait à l'inverse, et quitte à provoquer le scandale, l'apologie du détachement et du goût. On citerait en exergue ce mot d'un écrivain français s'étant présenté autrefois sous un masque grec ( "un homme subtil et qui ne laisse rien passer" ) : " Hâte-toi mon ami, tu n'as pas tant à vivre. Je te rebats ce mot, car il vaut tout un livre. Jouis. " On oserait même écrire son nom pour le dénoncer au mépris public : La Fontaine. " (1)
Il n'est finalement pas étrange que les envolées du roman soient en ces temps si peu vues, si peu considérées, si peu comprises. Les terriens aux semelles de plomb, aux gencives aléatoires, et aux élans si peu musicaux, n'y entendent rien.
"... Eléonore aimait beaucoup prendre les autobus, au hasard, dans des villes inconnues. Elle allait jusqu'au terminus ( qu'elle choisissait le plus souvent à cause d'un nom qui l'intriguait - comme à Hong Kong, il s'en souvient, où elle avait voulu monter dans un de ces tramways verts à deux étages, parce qu'il allait " Des Voeux Road West " , puis restait dans le bus jusqu'à ce qu'il la ramène à son point de départ. Il arrivait parfois qu'on ne lui fît pas payer le retour, comme si la mission d'un autobus n'était pas de vous faire parcourir un certain trajet mais de vous conduire à un but, qui n'était atteint que si vous descendiez ; on avait quelques scrupule à vous prendre votre argent pour vous faire voir le même paysage, alors que rien - aucune mission, aucun rendez-vous, aucun monument - ne vous avait attiré dans cette direction... " (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les aventures du roman / Philippe Sollers / L'Infini / N°35 / Automne 1991
(2) Le ciel du voyageur / Béatrice Commengé / L'Infini / Gallimard
samedi 31 janvier 2009
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Encore trois jours sans écrire ! Mais que vous arrive t 'il donc ? Vous n'avez point de fourmis dans vos doigts ?
RépondreSupprimerAprès tant de frustrations... vous allez encore écrire pour notre plus grand plaisir certes...mais il y aura tant et tant de lignes que nous mettrons encore 3 jours supplémentaires pour tout lire ! M.
Pas faux !
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