lundi 16 août 2010
Un Eté (11)
Il se dit, comme un corps amoureux, il faut laisser reposer les livres avant de les reprendre, ainsi ils livrent d'autres éclats, peut être mal vus, mal lus la première fois ou simplement troublés par la servitude sociale dominante.
Il est amusant que cet auteur soit toujours la risée de lecteurs professionnels et d'anonymes vertueux, comme si l'humour dévastateur qui saisit à chaque page tout lecteur ordinaire, pas si éloigné de celui de Céline, méritait soit un mépris gêné, une admiration bouffonne ou encore, une mise à l'index, qui à bien y regarder ressemble à une mise en croix publique.
Les humanoïdes " réflexifs " sont épinglés, et de quelle manière :
" En terminant mon verre de kirsch, je me dis que Patrick avait opté pour une synthèse originale entre les convictions matérialistes de son papa et les lubies astrales de sa maman. Il y eut ensuite la traditionnelle séance harpe-étoiles. " Waaouh ! Grave !..." s'exclama Fadiah en apercevant les anneaux de Saturne, avant de se rallonger sur son transat. Décidément, décidément, le ciel de la région était très pur. Me retournant pour attraper la bouteille de kirsch, je vis qu'elle avait les cuisses écartées, et il me sembla dans l'obscurité qu'elle avait fourré une main sous sa jupe. Un peu plus tard, je l'entendis haleter. Donc, en observant les étoiles, Harry songeait au Christ Oméga ; Robert le Belge à je ne sais quoi, peut-être à l'hélium en fusion, ou à ses problèmes intestinaux ; Fadiah, elle se branlait. A chacun selon son charisme. " (1)
Les livres comme les corps, il convient parfois de les oublier, pour mieux les retrouver, ainsi tout s'éclaire, et sous les feux de " la rampe ", les masques tombent, le roi est nu, et il n'est pas le seul.
" L'amour non partagé est une hémorragie. Pendant les mois qui suivirent, alors que l'Espagne s'installait dans l'été, j'aurais encore pu prétendre à moi-même que tout allait bien, que nous étions à égalité dans l'amour ; mais je n'avais malheureusement jamais été très doué pour me mentir. Deux semaines plus tard elle vint me rendre visite à San José, et si elle me prêtait toujours son corps avec autant d'abandon, de plus en plus fréquemment, elle s'éloignait de quelques mètres pour parler dans son portable. Elle riait beaucoup dans ces conversations, plus souvent qu'avec moi, elle promettait d'être bientôt de retour, et l'idée que j'avais eue de lui proposer de passer l'été en ma compagnie apparaissait de plus en plus nettement dénuée de sens ; c'est presque avec soulagement que je la reconduis à l'aéroport. J'avais évité la rupture, nous étions encore ensemble ", comme on dit, et la semaine suivante c'est moi qui me déplaçai à Madrid. " (1)
Et puis, il se dit, un roman n'est jamais un passage obligé, surtout s'il est bien écrit, comme d'ailleurs l'amour, le désespoir, l'alcool, la vitesse, que sais-je encore, pensa-t-il, ne sont jamais des passages obligés.
" L'avantage de tenir un discours moral, c'est que ce type de propos a été soumis à une censure si forte, et depuis tant d'années, qu'il provoque un effet d'incongruité et attire aussitôt l'attention de l'interlocuteur ; l'inconvénient, c'est que celui-ci ne parvient jamais à vous prendre tout à fait au sérieux. " (1)
à suivre.
Philippe Chauché
(1) La possibilité d'une île / Michel Houellebecq / Fayard
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