mercredi 4 août 2010

Un Eté (3)

Ici, le Temps s'amuse à passer, comme il n'a rien de mieux à faire, il lui accorde toutes ses indulgences.

Ici le Temps ressemble à un corps fuyant, sont-ils autre chose ?

Ici le Temps griffe ses joues et son ventre de tressaillements, s'engouffre dans ses cheveux pour y semer des traces blanches.
Vous ne paraissez pas votre âge, lui dit-on, il n'est pas surpris, il a toujours paru plus vieux que le plus vieux des hommes.

Il n'accorde de l'importance qu'aux faux fuyants.

" Celle qui sortit sans être vue sera née de l'éclat de deux bougies allumées près des dominants apparus. Georges de la Tour ne les élèvera à nouveau que l'objet de son attention se déplaçant. Ainsi sera gravie, première alliée, l'Olympe neigeuse aux roches basanées. Des ténèbres qui n'ont pas d'ailes veillent au loin sans glisser au sol, lestes conseillères. Sous les flocons déjà saignants - il ne vont plus cesser leur travail au cerveau - le pas de Vincent s'éteint dans la neige qui crie. Le peintre est reparti, mais vers l'image muette comme si la peinture ne connaissait pas d'autre expression. Sommes-nous morts d'être accueillants ?
C'était hier lorsque les averses de couleur se succédaient, saintes folles dans la tirade du grand rire de la nuit obscure. " (1)

Il s'allonge sur la plage face aux vagues, sans autre espoir qu'une plus forte que les autres ne le transperce.

Tout ce qui fait l'amour est par lui connu sur le bout des lèvres, grosse erreur, lui souffle-t-on, dans ce domaine comme dans d'autres, il faut avancer les yeux fermés et la tête vide.

Seule certitude, il sème l'oubli comme d'autres le blé.

" Soupçonnons que la poésie soit une situation entre les alliages de la vie, l'approche de la douleur, l'élection exhortée, et le baisement en ce moment même. Elle ne se séparait de son vrai coeur que si le plein découvrait sa fatalité, le combat commencerait alors entre le vide et la communion. Dans ce monde transposé, il nous resterait à faire le court éloge d'une Soupçonnée, la seule qui garde force de mots jusqu'au bord des larmes... " (2)

On devrait n'accorder à sa mémoire des instants vécus que le temps imparti à la consommation d'un verre d'alcool fort.

Il sait tout de ce qui fait la joie, grosse erreur, lui dit-on, il faut là aussi s'en défaire.

Pour éviter de s'éblouir, elle porte des lunettes aux verres fumés.

Passer maître dans l'art d'être oublié, tout un programme.

" ! " : c'est ce qui lui servira d'épitaphe.

Lire quelques livres, et écouter quelques musiques, est la seule manière de ne pas mourir accompagné.

Ses principales qualités ressemblent à ces dessins tracés sur le sable et qu'une vague va faire disparaître.

Si elle savait, elle en perdrait la vue !

à suivre

Philippe Chauché


(1) Bornage / Les voisinages de Van Gogh / René Char / Gallimard
(2) Bestiaire de mon Trèfle . Éloge d'une Soupçonnée / René Char / Gallimard

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