mardi 21 septembre 2010

L'Art du Roman




Il se dit, ce roman a les mêmes éclats troublants qu'une musique de Chet Baker, il se dit aussi, l'art du roman, est une manière de faire vibrer une phrase comme un corps, celui de Nora ici, mais rien ne vous interdit d'y glisser un autre prénom, un autre regard, un corps autre, comme si cette héroïne étonnante avait le poids et la force de certaines femmes un temps aimées, et à chaque instant désirées, de musiques qui vous laissent un goût brûlant de nostalgies.



Il pense, ce livre mérite d'être offert à celle qui un temps enchanta votre vie, ou qui l'enchante toujours, c'est la même chose.

Nora, écrit-il, aime deux hommes, Blériot le français et Murphy l'américain , de Londres à Paris, de Paris à Londres, ce roman heureusement français, nous en dit plus sur l'amour, la fidélité, les trahisons, la douleur, le désespoir, la folie, la joie, la jouissance, la beauté, la lâcheté, l'éclat des villes, que mille autres infantiles bavardages littéraires. Cela tient à l'histoire et au style, cela tient au souffle et à la lumière, aux éclats et à l'humour, à la manière et à la matière.

Lisons :

" Blériot a acquis ce pouvoir étranger d'être à la fois présent et absent sans entraînement ni travail particulier, uniquement en écoutant par hasard un morceau de piano pendant qu'il observait les volets de ses voisins. " (1)

" Ils se dirigent ensemble vers la porte Dorée, à la recherche d'une station, toujours la main dans la main, les jambes en perte de pesanteur, au point qu'on dirait par moments qu'ils glissent plus qu'ils ne marchent, comme Fred Astaire se promenant avec Judy Garland.
C'est à dire la rapidité, une fois effectuées les quelques réglages nécessaires, avec laquelle ils ont retrouvé le naturel de leur entende et le plaisir de se déplace côte à côte dans les rues et de s'embrasser dans les taxis. " (1)

" Je suis encore amoureux de cette fille, remarque-t-il ensuite en sortant de son immeuble, avec la même objectivité qu'il aurait dit : Tiens, il fait encore jour. " (1)

" Malgré la distance qui les sépare, on a l'impression permanente que Murphy et Blériot se déplacent de part et d'autre d'une paroi très fine, aussi transparente qu'une cloison en papier, chacun connaissant l'existence de l'autre, y pensant forcément, mais sans pouvoir lui donner un nom ou un visage, de sorte qu'ils paraissent tous les deux progresser à tâtons comme des somnambules avançant dans des couloirs parallèles. " (1)

" Quand Nora a été installé sur lui, qu'il a senti la palpitation des muscles de son ventre, il s'est légèrement redressé sur les mains pour lécher sur sa peau les petites rigoles de sueur qui descendaient de son cou et de ses épaules comme une pluie printanière.
Deux ans plus tard, il était encore assoiffé. " (1)

Il ajoute enfin, tout cela va très mal finir enfin on peut le croire pour Nora et Blériot, mais ce n'est peut-être pas certain, le roman s'ouvre et se ferme comme un corps et ses résonances vous reviennent transformées par l'acuité de votre regard.

Il pense, offrez ce roman, comme un bouquet de roses ou une fantaisie à votre aimée, et l'art du roman deviendra l'art de l'amour.

à suivre

Philippe Chauché

(1) La vie est brève et le désir sans fin / Patrick Lapeyre / P.O.L.

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