Anton Raphaël Mengs 1728-1779
Il se demandait ce que la moraline dominante ferait aujourd'hui d'un tel peintre, il passa son temps entre Dresde, Rome et Madrid, on voit bien qu'en ces temps les peintres savaient où poser leurs pinceaux. Quant aux écrivains eux aussi traversaient l'Europe avec une certaine élégance, se moquant bien des frontières et autres contingences, cela se voit dans leur vie, cela se lit aussi dans leurs écrits, les lecteurs s'en réjouissent et ils ne sont pas les seuls !
" Une chose sensée que Mengs me dit un jour, et que je n'ai jamais oubliée, fut celle-ci : il avait peint une Magdelaine qui à la vérité était d'une beauté surprenante. Il y avait dix à douze jours qu'il me disait tous les matins :
- Ce soir ce tableau sera fini.
Il y travaillait jusqu'au soir, et le lendemain je le trouvais occupé au travail du même tableau. Je lui ai demandé un jour s'il s'était donc trompé la veille quand il m'avait dit que le tableau était déjà fini.
- Non, me dit-il, car il pouvait paraître fini aux yeux de quatre vingt-dix de cent connaisseurs qui l'auraient examiné ; mais celui qui m'intéresse le plus est le centième, et je le regarde avec ses yeux. Apprenez qu'au monde il n'y a de tableau fini que relativement. Cette Magdeleine ne sera jamais finie que lorsque je cesserai d'y travailler, mais elle ne le sera pas réellement, car il est certain que si j'y travaillais un jour de plus elle serait plus finie. Sachez que dans votre Pétraque même il n'y a pas un seul sonnet qu'on puisse appeler réellement fini. Rien n'est parfait au monde de ce qui sort de la main ou de l'esprit des hommes, excepté au calcul arithmétique.
J'ai embrassé mon cher Mengs après l'avoir entendu me parler ainsi ; mais je ne l'ai pas embrassé un autre jour qu'il désirait d'avoir été Raffael d'Urbin. C'était son grand peintre. (1)
Il serait temps que les humanoïdes confrontent leur aveuglement à la peinture et leur corps à la littérature.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Histoire de ma vie / Casanova / Robert Laffont
Petite madeleine freudienne:
RépondreSupprimer"Faute de pouvoir voir clair, nous voulons, à tout le moins, voir clairement les obscurités..."
Bonne nuit et à bientôt
Maia