dimanche 19 octobre 2008
La Solitude Joyeuse ( 2 )
Ce soir, sera un autre soir, c'est ce qu'il m'a dit devant une coupe de champagne dans notre café des Hauteurs, c'est ainsi que désormais nous le nommerons, un autre soir, car nous l'avons choisi, comme pour ces peintres dont nous échangeons les traces, elles deviennent sous notre regard, celles du mouvement de la peinture admirée, il en va de même, voyez-vous de la littérature et de la musique, à leur contact nous nous transformons, comme d'ailleurs nous transformons ce qui s'est écrit, je crois que nous servons de révélateur secret à ces phrases imprimées, à notre contact elles se bonifient, notre cerveau est une bibliothèque mouvante, j'aime à penser que c'est ce contact unique qui illumine les yeux de ces femmes que nous aimons. Notre alchimie est faite d'éclats de regards, d'envolées de mots et de mouvements intérieurs, cet autre soir révélera tout cela, rien ne sera facile, a t-il ajouté, rien ne sera simple, mais nous le rendrons à l'évidence, il nous faut traverser le Néant et les Catastrophes, il nous faut nous incruster dans toutes les crevasses du diable, c'est alors seulement, je le crois cher ami, alors seulement que nous éclairerons de nos yeux qui déchirent le temps, cet autre soir décidé.
" Les filles du chant sont venues :
- " Veux-tu de nous ? Nous sommes nues,
nos lèvres sentent la lavande "...
- Je songe aux ravins de Finlande
où dorment des soldats de gel...
Les vierges de sel du poème
m'ont dit : - " Il est temps qu'on nous aime !
Nous sommes nues sous la peau. "
- Je songe aux navires sous l'eau
noyés derrière les vitrines...
Les molles putains de mon songe
me crient : - " Lâche pied et plonge,
que les poissons sont frais et muets ! "
- Je songe aux forçats d'Allemagne :
ils sont maigres sous le fouet...
Les douces mères du sommeil
me choient : " Couche-toi ! Les orteils
dressés vers la pointe du somme.
La belle-au-bois qui dort dans l'homme
ne se nourrit que de baisers... "
- Je songe aux énormes brasiers
qui brûlent autour de la terre...
La Vieille édentée de la mort
m'a dit : " Chaque cheval a son mors.
Ton lot sur terre est la mort lente.
Que ça te déplaise ou non, chante !
Nul être n'a droit au merci...
A quoi penses-tu, ombre vague ? "
- O très chère, je songe à Prague !
Je n'entends pas, je n'entends plus
les prières de ses synagogues... " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1)Refus du Poème / Au temps du poème / Le mal des Fantômes / Benjamin Fondane / Verdier
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