jeudi 14 janvier 2010

L'Année des Délices (10)


Gustave Courbet 1819-1877 Jo l'Irlandaise

Il a la phrase en bouche, il la fait tourner dans ses lèvres, elle s'élève, elle se pose, puis s'envole, elle est là, évidence et nécessité. Il se dit, si vous aimez, écoutez les phrases, celles que l'on vous offre, celles qui délivrent, et donnent à voir. Les phrases donnent à voir, c'est ce qu'il se dit, et celle là plus particulièrement. Une phrase est une offrande. Une offrande est une musique, une phrase qui n'est pas une musique est une phrase morte. Une phrase qui n'ouvre pas sur la joie est une phrase perdue, une phrase perdue ne se retrouve jamais, c'est ce qu'il pense à cet instant, qui est celui du roman, de sa naissance, de ses premiers éclats, de ses premiers accords. Il faut, ajoute-t-il, accorder les phrases à la naissance du roman, et faire que ce roman à naître soit celui de la vie et de la joie d'avoir entendu cette première phrase qu'elle a donnée ce soir-là, qu'elle a offerte, qu'elle a embrassée. Ce roman, pense-t-il, sera celui de cette phrase inoubliable. Il se dit aussi, il ne faut jamais se défaire de cette phrase, il faut la garder sur sa peau comme une caresse solaire accordée aux éclats de lune de son regard, qui ce soir-là accompagnaient sa main qui se posait sur sa joue, sur ses seins, sur son ventre. Il a compris, se dit-il, qu'une phrase doit ainsi embraser un corps pour exister. Une phrase qui se livre sur l'Instant est un miracle, il se dit aussi, que l'Intant aimé porte la phrase sur la Courbe du Temps. Il pense aux éclairs qu'offre cette phrase, il pense aux livres qui s'offrent parfois comme une phrase, à un regard qui n'est autre qu'une phrase, encore, pense-t-il, faut-il s'en saisir. Se saisir d'une phrase, c'est se saisir d'un corps aimé. La phrase, ajoute-t-il est son secret, et se secret se lit dans son regard d'éblouissement. Il se dit aussi, que cette Année des Délices, sera celle d'une phrase un soir entendue, d'une phrase qui ouvre sur la liberté du Temps et sur son accomplissement. L'Instant est dans la phrase, et la phrase embrassée délivre de la mort.

à suivre

Philippe Chauché

1 commentaire:

  1. Le phrase une fois écrite, tue l'instant & le vécu...

    Je me répète peut être mais lorsque Moïse reçu la loi sur la montagne, loi écrite , il n'y survécut pas...

    j'en déduis un peu rapidement, peut être, que les mots "dit" sont peu, mais ceux écrit sont rien!

    ça n'engage que moi & c'est pour cela que je n'aime pas lire, au mieux & surtout écouter ou entendre, mais de moins en moins lire...

    Le verbe de ce que je bien d'écrire, en est le plus pathétique des exemples...inutiles,...

    L'espèce humaine en écrivant a voulu se donner une éternité, en paraphrasant celle qu'elle croyait être dieu, pour lui ressembler pensait-elle!

    Bonne nuit les petits

    Sèrgi

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