jeudi 5 mai 2011

Visages du Roman (32)



La parole, la fiction, ont souvent à voir et à entendre avec la résurrection, pense-t-il. Celle de Jan Karski déjà admirablement portée par Yannick Haenel dans son roman éponyme, le sera au Festival d'Avignon cet été par Arthur Nauzyciel : " Jan Karski - Mon nom est une fiction ".

" Tandis que nous nous frayions un chemin dans la boue et les décombres, des ombres qui avaient jadis été des hommes et des femmes s'agitaient autour de nous. " (1)

" Je parcourus à nouveau, trois heures durant avec mes guides, les rues de cet enfer pour le mémoriser. "(1)

" J'ai dit ce que j'avais vu dans le ghetto. " (1)

" Je sais que beaucoup de gens ne me croiront pas, ils penseront que j'exagère ou que j'invente. Et pourtant je jure que j'ai vu ce que je décris. Je n'ai pas d'autres preuves, pas de photographies, mais tout ce que je dis est vrai. " (1)

Une parole, pas des images. Une parole, pense-t-il, pour dire le ghetto de Varsovie, seule une parole pour dire les massacres organisées, ajoute-t-il, une parole pour que les alliés sauvent les juifs de Pologne, une parole dans le vide des démocraties. ( la communauté juive de Pologne, vivier du judaïsme, est quasiment détruite : 500 000 personnes seraient mortes dans les ghettos, 600 000 auraient péri dans des exécutions de masse et près de 1 900 000 dans des centres de mise à mort - Anthologie du judaïsme - sous la direction de Francine Cicurel / Nathan )

" On a laissé faire l'extermination des Juifs. Personne n'a essayé de l'arrêter, personne n'a voulu essayer. Lorsque j'ai transmis le message du ghetto de Varsovie à Londres, puis à Washington, on ne m'a pas cru. Personne ne m'a cru parce que personne ne voulait me croire. " (1)

" D'un côté il y avait l'extermination, et de l'autre l'abandon - rien d'autre à espérer. C'était le programme du monde à venir, et ce monde, effectivement, est venu : tous nous avons subi cet abandon, nous le subissons encore. " (1)

Ils lui disent en somme, pense-t-il, " tu n'as rien vu à Varsovie ", rien, ta parole seule dit qu'elle a vue, mais que vaut ta parole ?

La parole seule sauve, écrit-il, elle n'a pas sauvé 6 000 000 de Juifs d'Europe, car elle n'a été crue. Mais la parole, n'a pas été exterminée par le silence, elle n'est pas morte, elle résonne aujoud'hui dans le roman et demain sur la scène du Festival d'Avignon. Une parole vivante est une résurection.





à suivre

Philippe Chauché

(1) Jan Karski / Yannick Haenel / L'Infini / Gallimard / 2009

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