mardi 13 septembre 2011
Chronikà Biblia (4)
Constantin Brancusi
" Elle avait, et c'était toujours troublant à regarder, le sommeil léger - de plus en plus léger aimait-elle à dire - ce qui reflétait fidèlement son état d'éveillée ; lorsqu'elle se réveillait, elle se glissait dans ce kimono rouge garance et en quelques seconde, comme un tour de magie solaire, se retrouvait assise devant un tasse de café noir, une cigarette aux lèvres et un livre ouvert posé sur la petite table où les matins d'été elle aimait à s'asseoir, sorte de sas entre deux légèretés, ajoutait-elle. C'est ensuite que les choses se gâtaient. "
Il referma un instant le manuscrit, amusé par cette première phrase, et se souvenant de la légèreté de son sommeil, qui le poussait à finir la nuit dans le canapé de sa bibliothèque de peur de plomber son sommeil par les terribles cauchemars qui s'invitaient à la seconde même où il fermait les yeux, et comme ce couchage était très inconfortable, il le quittait pour son bureau d'où il pouvait à la fois surveiller qu'elle dormait en toute tranquillité, et s'adonner à quelques écritures, qui le matin venu finiraient à la corbeille.
De temps, lorsque la nuit n'en finissait, il ouvrait un livre ; cela faisait des mois qu'il n'avait pas eu la chance de croiser dans sa chambre la dormeuse légère. Il ne s'en plaignait pas, il pouvait ainsi accueillir ses fantôme sans risquer de troubler son sommeil, et finir la nuit assis sur une chaise de jardin qui donnait souvent le vertige à son dos.
Dans la nuit des éclats rouges, alors lisons :
" Le 21 septembre 1972, dernier jour de l'été, Henry de Montherlant, à 15 h 59, se tirait une balle de revolver dans la bouche et, simultanément, pour être certain de ne pas se rater, croquait une ampoule de cyanure. Septembre 1972, mon Dieu, comme le temps passe ! Cependant, chaque année, c'est le même mois de septembre, mélancolique, oppressant, avec ses nuits qui augmentent, les grilles du Luxembourg qui jour après jour se ferment plus tôt, et ses malheurs qui surgissent sans bruit. Septembre est le mois de la mort, ce soleil pâle. En septembre, les époux divorcent et les amants rompent. L'été, saison fatale aux amours. Seigneur, qu'avons-nous fait de nos couronnes nuptiales ? " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le taureau de Phalaris / Gabriel Matzneff / La Table Ronde / 1987
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Septembre...l'été tombe en lambeaux. ça donne à l'âme des allures d'immeubles effondrés aux murs couverts de vieux papiers peints.
RépondreSupprimerBonne nuit Philippe
Maia