samedi 8 octobre 2011
Ma Librairie (18)
" La contemplation de ces îles au couchant me remplit jusqu'à la nuit d'un bonheur calme et extatique. La beauté des îles tient à leur solitude, au rayonnement de leur contingence. Avec elle devient visible le miracle de l'existence, bordée par le néant. " (1)
" Vers deux heures du matin, en sortant de La Coupole, nous allions souvent à côté, au bar du Dôme, nous attabler non loin l'Alberto Giacometti qui y venait régulièrement en compagnie d'une ou deux prostituées du quartier, aux allures de petites-bourgeoises. A cette heure-là, il était ivre et, s'attardant toujours plus longtemps que nous, il continuait sans doute à boire jusqu'à l'aube. J'aimais le bar du Dôme à cause de lui. Il me semble d'ailleurs qu'ils disparurent en même temps. Sans oser lui adresser la parole, j'étais heureuse de le regarder à la dérobée et de jouir du rayonnement amical de sa présence. Je le trouvais beau dans sa solitude indéfectible. " (1)
" Ne pas sortir de chez soi relève de l'exercice d'une liberté. Est-ce pour cela que c'est si mal vu ? On soupçonne le réfractaire, celui ou celle qui se soustrait à la loi du recrutement, à la loi commune. I would prefer not to... je préférerais ne pas..., comme disait le Bartleby de Melville. Ne pas sortir de chez soi, c'est un peu faire sécession... " (1)
" Libérée des servitudes de l'amour, déprise des idéaux d'une sexualité obligatoire, je me sentais au large, tout à mon aise dans ma vie qui s'ouvrait comme la mer immense qui nous entourait à perte de vue. Moi aussi, je vivais au seuil de la vieillesse comme à celui d'une vie nouvelle, une vie où j'écrirais enfin tous les jours. " (1)
Lisant et relisant le petit livre, livre léger et empli de saisissements, où chaque phrase, chaque souvenir, chaque notation l'éloigne des romans dont le seul rêve est de figurer en bonne place - ils en imposent ! - sur les listes publicitaires des prix d'automne, de Catherine Millot, y faisant provision de phrases - une petite croix arrondie tracée au crayon dur dans la marge de gauche - s'y sentant en terre aimable et terrible, et se disant que deux ou trois lecteurs pourraient s'en délecter, comme d'un vin rare et marbré bu une nuit d'avril sur la place Alfalfa, loin de la foule, loin de l'amour, loin de la solitude sociale, et si près de l'absence vitale, en permanence ébloui par la Haute Tenue du livre qu'il avait détecté dès ses premières phrases, trouvant là ce que la nostalgie a de lumineux lorsqu'elle diffracte le temps et qu'elle quitte, sous une telle plume, le terrain minée où depuis plus de deux siècle on a voulu l'enfermer, et se disant au bout du compte que l'invitation faite ici à Proust, à Poe, et à Barthes, est juste et réjouissante. Une amie lui confiait récemment, sans savoir qu'il était plongé dans O Solitude, qu'elle pensait avoir bien lu, car elle avait vécu toutes les dévastations du coeur et les éblouissements du corps.
à suivre
Philippe Chauché
(1) O Solitude / Catherine Millot / L'Infini / Gallimard / 2011
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La solitude, Philippe, ma chère solitude que pour rien au monde, même dans mes périples lointains, je n'abandonne tout à fait.
RépondreSupprimerLa solitude qui n'est pas l'isolement.
La solitude cette terre que nul ne foule avant vous et dont vous parcourez les moindres recoins comme Robinson son île.
"Ce qui parle n'a à faire qu'avec la solitude" Lacan
Bonne fin de journée
Maia
Merci pour cette envie de lire Catherine Millot...
RépondreSupprimerMaia, j'ai plaisir à penser que mes griffonnages vous font écrire, et bien écrire.
RépondreSupprimerRénica, merci de vos furtives et aimables visites.
Philippe Chauché