" Viens, mon ami, lève-toi, sors de tes palais douillets et sûrs, arme-toi de courage et d'audace et viens avec moi parcourir le continent européen où le Diable s'est emparé du pouvoir, et je te raconterai et te montrerai avec des faits de quelle manière la race hautement civilisée a liquidé le peuple d'Israël, faible, sans protection, (innocent) de tout crime.
Ne t'effraie pas de ce long chemin tragique. Ne t'effraie pas des scènes cruelles et barbares que tu seras amené à voir. Ne t'effraie pas, je ne te montrerai pas la fin avant le commencement, et peu à peu ton oeil deviendra fixe, ton coeur s'émoussera, tes oreilles deviendront sourdes. Emporte, toi, l'homme, des bagages de toute sorte qui puissent te servir dans le froid et l'humidité, dans la faim et la soif, car il nous arrivera de nous trouver au beau milieu d'une nuit glacée dans des espaces désolés et d'accompagner mes malheureux frères à leur dernier voyage, à leur marche à la mort. Il nous arrivera de parcourir, jour et nuit, affamés et assoiffés, les diverses routes européennes de l'errance de millions de Juifs chassés et repoussés par les modernes barbares vers leur but cruel et diabolique, apporter leur vie en sacrifice pour leur peuple. Toi, cher ami, es-tu prêt pour le voyage ? " (1)
Il y a ce texte, il y a ces notes écrites, cachées et retrouvées, il y a cet Etre et l'Enfer, il y a un voix et un regard, il y a un corps sur la scène, corps de l'acteur, porteur de l'acte qui devient possible par la grâce d'une autre voix, d'un autre regard et d'une pensée de la mise en scène, il y a Zalmen Gradowski, François Clavier et Alain Timar (1), il y a le théâtre et son miracle naissant.
Il y a la mémoire d'une voix, il y a la mémoire des corps, et celle du théâtre, il y a l'espace et le temps, le corps envahi par les mots, les mots de cette voix à fleur de corps, il y a le mouvement de l'acteur qui nourrit l'espace du théâtre, il y a ce visage saisissant, dans la joie et la douleur, il y a la nécessité de dire sans montrer, il y a l'urgence de l'offrande et la résurrection du verbe.
Ici s'effondrent toutes ces diaboliques reconstructions historiques que le cinéma se plaît à filmer dans une complaisance diabolique, toutes ces histoires nauséabondes qui nourrissent la bonne conscience de ces cinéastes publicitaires à la bonne conscience frelatée.
Ici s'écrit le théâtre, voix et corps élancés, qui s'élèvent de la cendre pour frapper le Diable au coeur, ici se dit le théâtre, dans la vérité du vide, dans la profondeur de la résonance des mots de Zalmen Gradowski, qui éclaire d'une transparente lumière de vie, l'Etre et l'Enfer.
(copyright COCO)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Notes / Zalmen Gradowski / in Des voix sous la cendre / Manuscrits des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau / Mémorial de la Shoah / calmann-lévy
(2) Une voix sous la cendre / Zalmen Gradowski / mise en scène, scénographie Alain Timar / avec François Clavier / Théâtre des Halles / présenté ces derniers jours et repris à Avignon en juillet prochain
dimanche 29 mars 2009
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