samedi 6 février 2010
L'Année des Délices (15)
Pablo Ruiz y Picasso, dit Pablo 1881-1973
" C'est tantôt un tourbillon, tantôt une méditation. Un baiser peut être une dévoration ou un souffle. Ici, contrairement au fatalisme résigné classique, qui beaucoup embrasse bien étreint. Chagrin d'amour ne dure que quelques toiles, plaisir d'amour dure toute la vie. Il y a des rencontres négatives, d'autres positives. Les positives peuvent d'ailleurs devenir négatives car toute cette affaire est en perpétuel mouvement. Picasso vend son corps au Diable et son pinceau à Dieu. " La peinture me fait faire ce qu'elle veut. " Il y a donc ni Dieu ni Diable, et pas de maître non plus. " (1)
" Le roman me fait faire ce qu'il veut ", voilà une phrase, se dit-il, qu'il aimerait que l'on grave sur sa pierre tombale, lorsque tombe il y aura, je ne suis pas pressé. Que l'on ajoute aussi, pense-t-il, " plaisir d'amour, dure toujours, merci de ne pas me déranger, je suis en pleine méditation sur le corps aimé ", ou encore, " n'en doutez pas, ici, j'étreins le Verbe, le Corps et le Temps ". C'est bien de cela qu'il s'agit une fois de plus, pense-t-il, de la manière dont s'élève l'étreinte, et son élévation a lieu dans l'Instant, mais aussi, dans l'Avant et l'Aprés, ce qui se joue dans l'étreinte, c'est le mouvement perpétuel de l'Etre et la glaciation de son Néant, c'est bien là le scandale, note-t-il, le je suis porté aussi loin et avec autant de joie. C'est l'inverse absolu, du " je pense donc je suis ", je propose, ajoute-t-il, " je suis donc j'embrasse ", " je suis donc j'écris ", " je suis donc je peins ", " je suis donc j'aime ", etc. Et ce " je suis " n'est jamais le même, pris lui aussi dans le tourbillon des phrases et des couleurs.
Le je suis du peintre, Yo Picasso ! devient une formule magique, c'est un je suis en mouvement, rien n'est figé, rien de définitif, l'art de suspension aussi parfois. J'apprends à suspendre mes baisers, note-t-il, je les rends un temps immobiles dans l'espace de ma vision. Le peintre ne fait pas autre chose, pense-t-il, mais cette suspension est invisible, comme doit finalement l'être celle d'un baiser. Je suspends ce baiser et ainsi donne à l'amour les couleurs et le mouvement des tableaux du peintre admirable, cette Année des Délices lui est notamment dédiée.
Pablo Ruiz y Picasso, dit Pablo 1881-1973
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le siècle de Picasso / Discours Parfait / Philippe Sollers / Gallimard / 2010
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Bonjour Philippe,
RépondreSupprimeril y a un site très intéressant, sorte de Picasso "in vivo", par ici.
Beau dimanche :)