lundi 28 mars 2011

Visages du Roman (10)



Visage du Roman, mouvement du dieu Kairos, c'est ce qu'il lit dans le petit livre (1), le dieu de l'occasion, " Il faut traverser la vaste carrière du temps pour arriver au centre de l'occasion " - Baltasar Gracian -, dieu aux talons ailés, qui surgit dans et comme le roman, et, ajoute-t-il d'où surgit le roman.
Le roman doit danser comme le dieu grec sur ses talons ailés, une autre façon de vivre l'amour, et donc son roman permanent. Toute envolée amoureuse est un roman vécu, toute envolée vers l'autre est une envolée vers le connu, l'inconnu et le deviné.

Lisons, volons :

" En m'installant dans le wagon presque vide, tout à l'heure, à droite - c'est-à-dire à l'ouest, là où le soleil à peine levé ne risquait pas de m'éblouir -, j'ai senti que cette ivresse joyeuse qui ne me quittait pas depuis que j'étais arrivé à la gare était de nature nouvelle. " (1)
" Le moment opportun et fuyant, c'est cela, Kairos. Je vous le décrirai, peut-être même irons-nous un jour jusqu'à Trogir, en Croatie, voir sa représentation la plus ancienne, ce n'est pas celui de Lysippe, tant pis, mais il lui ressemble. Connaissez-vous ses qualités ? Jeunesse, beauté, légèreté, vivacité, équilibre. Kairos a les pieds ailés. " (1)



Il convient parfois, pour bien écrire, pense-t-il, d'avoir la plume ailée, d'être protégée de Kairos, c'est ici, à ma belle surprise, le cas de l'écrivain, Kairos délivre sur l'instant de la douleur, et fait un temps oublier la chute.

Ce petit livre traverse le Temps pour saisir le centre de l'occasion, dans un train qui conduit la naratrice vers l'homme désiré. Le Temps, ajoute-t-il, appartient à ce savoir du mouvement permanent de l'écriture.

" Souvenez-vous, Zarathoustra, le convalescent : " Comme il est charmant que les mots et les sons existent ! " (1)
" Il est précisément midi dix dans ce train arrêté, l'heure où Zarathoustra le danseur, allongé dans l'herbe au pied d'un arbre, s'écrie dans le plus grand silence : " Le monde ne vient-il pas d'être parfait ? " (1)
" Pendant quelques secondes, vous ne vouliez plus renoncer à ce que vous aviez un jour appelé " la fantaisie de vous " - " fantaisie " qui n'avait rien de capricieux ni de fantasque sous votre plume, mais remontait à la racine de phantasia - à cette image qui s'offre à l'esprit. " (1)

Il se dit que finalement les livres qu'il lit en ces Temps sont des fantaisies joyeuses et mélancoliques, qui tournoient comme Kairos dans le ciel d'un Temps retourné.

à suivre

Philippe Chauché

(1) L'occasion fugitive / Béatrice Commengé / Éditions Léo Scheer / 2011

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire