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8 avril 1911 Răşinari en Roumanie, 8 avril 2011 Avignon en France, un siècle nous sépare, note-t-il, c'est à dire un jour, une heure, une seconde ; une autre manière de concevoir le Temps et son Mouvement.
Il a, ajoute-t-il, toujours un oeil sur E. M. Cioran, mais un seul, l'autre, si nous partons du principe que nous en possédons deux - ce qui est encore à prouver, non pas scientifiquement mais sentimentalement, a en ces jours tendance à se consacrer au bleu du ciel.
Ouvrir les Cahiers (1) c'est se plonger dans l'écriture et la pensée en marge des oeuvres, à entendre dans les marges du livre qui s'écrit, dans cet espace blanc et étroit, où l'on glisse remarques et anathèmes, exercice pour le moins périlleux :
Premier Cahier, premières phrases, datées du 26 juin 1957 :
" Lu un livre sur la chute de Constantinople. Je suis tombé avec la ville. " (1)
Dernier Cahier, dernière phrase du 14 novembre 1972 :
" Sans l'idée d'un univers raté, le spectacle de l'injustice sous tous les régimes conduirait même un indifférent à la camisole de force. " (1)
Il se souvient, d'une phrase lancée comme un verdict définitif, par une femme qui ne fréquentait que les falaises - à la voir un peu et à la connaître vaguement cette pratique quotidienne de la tentation du vide m'était inconnue, je l'ai découverte, en lisant un jour l'un de ses cahiers qu'elle m'offrit, avec comme envoie : " à vous, pour agrémenter vos siestes amoureuses " - lorsqu'elle déposa à son chevet le livre (1) : " vous prendrez bien, un soupçon de ciguë avant de vous endormir ! "
" Que serais-je, que ferais-je sans les nuages ? Je passe le plus clair de mon temps à les regarder passer. " (1) - 20 février 1958.
Cahiers et non Journal, il pense, aux cahiers de musique, la musique jamais absente des Cahiers, boussole - petite boite - qui indique le sublime :
" Le Messie de Händel. - il faut que le paradis soit, ou du moins qu'il ait existé - autrement à quoi rime tant de sublime ? " (1) - 30 mars 1959
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Il se souvient aussi d'avoir lu quelques aphorismes du roumain mal vu, un soir où quelques whisky tourbés comme ses phrases glissaient de bouteilles en verres, lecture jusqu'à plus soif, pense-t-il.
" Divinité de la Prose. " (1)
" La vulgarité est contagieuse, toujours ; la délicatesse, jamais. " (1)
" En France, il suffit d'être insolent pour se faire une réputation d'intelligence et d'esprit.
ou
En France, l'insolence tient lieu d'intelligence et d'esprit. " (1)
" Vivre sur une île exiguë, s'ennuyer et prier, prier et s'ennuyer... " (1)
" J'ai la volupté du trait. C'est ce qui m'attache tant au XVIII° siècle. " (1)
" Réentendu le motet de Bach " Jesu, meine Freude ". Après cela, tout ce qui n'est piété parait inutile et vulgaire. " (1)
" La littérature comme procédé " - titre d'un article dans une revue de jeunes. Que cela en dit long sur le goût de ces émasculés ! " (1)
" En écoulant chez G.M. deux cantates de Bach, exaltation confinant à la félicité. " (1)
Il poursuit sa lecture à saute page comme le mouton des histoires que l'on raconte aux enfants, éclat de rire :
" Depuis le temps que je me ronge, il est étonnant que j'aie encore quoi ronger. " (1)
Et cette question qu'elle me posa un soir :
- Vous avez cher ami d'étranges fréquentations !
- Vous parlez des femmes ou des écrivains ?
Dehors, tumulte de fin de semaine : alcool mal bu, petites pépées mal aimées, vulgarité des pieds à la langue, musique à capuche.
Ici, champagne et Keith Jarret : The Melody At Night With You. (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Cahiers / 1957-1972 / Cioran / Gallimard / 1997
(2) Keith Jarret / The Melody At Night With You / ECM 1675 / 1999
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