Lorsqu'on lui demandait, s'il avait des projets et des envies, il avait toujours beaucoup de mal à répondre, mais il finissait par murmurer, note-t-il, des projets : fonder un mouvement dont je serai le seul membre et m'empresser de m'en exclure, mes envies : qu'enfin dans la rue, on m'ignore.
- Je vous ai connu plus engagé ?
- Je vous le concède, mais le Temps, qui fait des prouesses, m'a appris à ne me " lier à aucune promesse ".
" Pourquoi ne voyagez-vous jamais ? " Combien de fois n'a-t-il entendu cette question, pense-t-il, et le plus souvent, il répondait, que les quelques fois où il avait pris l'avion ou le train, il avait eu l'impression qu'on le conduisait à l'abattoir, d'autre fois, il se contentait d'avancer, que les voyages le fatiguaient tout autant que de ne rien faire, parfois il ajoutait, qu'en voyage, on est toujours accompagné, ce qui est lassant dès la première heure.
Souvent, il le remarque, c'est grâce aux livres qu'il lit ou qu'il a lu, qu'on a fini par le quitter. Heureuse imprimerie !
C'est ainsi, ajoute-t-il, qu'il est des écrivains, qui lui donnent la nausée, les évoquer le pousse assez rapidement vers la sortie.
D'autres, qu'il ne perd pas de temps à défendre, - seul l'Infini doit être défendu, pense-t-il -, il lui arrive de les offrir à quelques personnes, qui pense-t-il, devraient y trouver un peu d'intérêt. La loi de l'offre et de la demande, frappe souvent, car on les lui retourne, tout en l'invitant à " aller voir ailleurs ". Cette guerre est finalement, note-t-il, assez réjouissante.
- Vous parlez de Frédéric Berthet, car c'est Sollers qui l'a édité ?
- Pas faux.
- Vous n'en avez pas assez, d'en faire ici l'éloge ?
- Point d'éloge, si vous m'aviez bien lu, mais simplement un constat : c'est un écrivain français qui critallise ce qu'il y a de plus musical dans notre langue, et c'est un éditeur élégant dans ses choix, ce qui vous en conviendrez chère amie, n'est pas si répandu que cela.
" Elle était la seule, puis, ce n'est pas qu'il y en eut d'autres, elle ne fut plus la seule, et il n'y en eut plus. " (1)
" Ça jappe ", disait-elle pour parler des contractions de son vagin au moment de l'orgasme. " (1)
" Faites la guerre, pas la guerre. Faites la guerre, comme disait Kafka : " Notre salut, c'est la mort - mais pas celle-ci. " (1)
" Il était arrivé dans ce parc au milieu de l'après-midi, sans grand espoir. On ne vérifie pas une expérience en refaisant la même expérience : il faut en trouver d'autres, et vérifier ailleurs. Mais enfin, c'était une façon de commencer méthodiquement à se relire. Comme on dit dans la Bible en effet, je suis au bout du rouleau. De la vague, Jérémie : maintenant tu vas faire du surf, ce sera ta façon de marcher sur l'eau. " (1)
" C'était un drôle d'époque. Les femmes revendiquaient leur droit à la féminité, ou le contraire, les homosexuels signaient des pétitions pour l'homosexualité, bref chacun avait quelque chose à réclamer en faveur de son identité. Je n'aurais pu que prétendre à la jérémité, mais ça ne faisait pas une cause. Au milieu des réunions publiques, qu'est-ce qui se serait passé si j'avais hurlé : " Je veux m'asseoir dans un parc à la tombée du jour, je veux qu'on me donne ce parc tout de suite ! " Ce que je voulais, j'ai toujours pensé que cela m'aurait attiré des ennuis de la part des deux camps adverses. " (1)
" Vous en connaissez beaucoup, vous, des petits malins qui prennent leur départ sur la ligne d'arrivée ?
N'oubliez pas le handicap , celui qui consiste à aller d'abord de la ligne d'arrivée à la ligne de départ pour faire semblant de courir avec tout le monde. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Journal de Trêve / Frédéric Berthet / L'Infini / Gallimard / 2006
dimanche 13 mars 2011
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