les loriots sifflent
la rivière coule en silence " (1)
" Pourquoi Issa écrit-il ? Pour rien, certainement, et juste afin de constater la longue inutilité de la fête sans fin de sa vie...
Ce n'est pas qu'Issa ait trop de respect pour la poésie, qu'il se sente indigne d'elle. Au contraire. Pour s'y livrer avec l'arrogance que les autres y mettent, il manque juste d'assez de sérieux et d'un peu de courage. Il se dit qu'au fond cela suffit et qu'il y a déjà eu asses de mots posés sur le monde au cours des siècles, de poèmes fatiguant l'horizon de toue leur solennité vaine, que la lune, l'étang, la neige, les fleurs de cerisiers ont bien mérité qu'on les laisse un peu tranquilles, qu'on les abandonne au grand silence calme qui leur convient. Si Issa se résout à écrire, peut-être est-ce avec la certitude que cette décision ne l'engage à rien, que toute histoire est finie, qu'il n'y a rien à ajouter du tout à ce que d'autres ont dit, qu'il est juste question de s'effacer, de fatiguer sa vie dans insignifiance paisible d'un temps qui, de toute façon s'enfuit.
Écrire, il le sait, est juste une façon de laisser pour personne un signe dans le soir :
au soleil couchant - sur un mur pour toi j'écris - j'ai été ici. " (2)
" Les nuages accélèrent
au rythme du cri
du coq de bruyère. " (1)
Touches blanches dans le bleu du ciel
Silence du printemps
J'ouvre les yeux
Sur le temps
Silence du printemps
Dans la rue des anonymes
Silence du printemps
Lèvent les yeux vers les statues des vierges
Silence du printemps
Demain je prends le dernier bateau
Silence du printemps
La pluie n'effacera pas mon passage ici
Dans le silence du printemps.
Que mille mouettes se posent sur le pont de ton bateau
à suivre
Philippe Chauché
(1) Kobayashi Issa / Anthologie Haïkus / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Philippe Forest / Sarinagara / Gallimard
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