dimanche 2 mai 2010

La Résurrection d'Aguascalientes


Il se dit, cette photo de l'agence EFE a fait le tour du monde, l'homme vient d'être touché, profondément touché dans sa chair, la mort rôde sur le sable d'Aguascalientes ( eaux chaudes ) au Mexique. Il ajoute la mort s'obstine comme toujours à vouloir triompher de la vie et de l'art, mais la bonne nouvelle de ce mois d'avril finissant, c'est qu'elle a trouvé dans ce ruedo plus fort qu'elle. L'homme traversé a ouvert les deux bras, comme s'il embrassait l'Instant du Temps, offrant non sa vie à la mort embusquée, mais sa vie à la vie, il retourne la mort pour à son tour la traverser, une résurrection au sens qu'en donnaient les gnostiques.









Edouard Manet 1832-1883

" Angelus Silesius, gloire de ce qu'on s'obstine à appeler la Contre-Réforme, alors qu'il s'agit d'une révolution catholique irradiant l'énorme floraison du baroque, écrit dans son Pèlerin chérubinique :




" Dieu fleurit en ses branches

Si tu es né de Dieu, Dieu fleurit en toi,

Et sa divinité est ta sève et ta parure. " ...

Et encore :

" C'est maintenant qu'il faut fleurir,

Fleuris, chrétien glacé, voici le mois de mai,

Fleuris sur le champ, ou sois mort à jamais. " (1)



Il pense à un autre printemps, madrilène celui-là, en 2002, où la mort réelle s'était aussi invitée. Il lit :

" Entre 20 h 15 et 20 h 30, devant Exhortado, il s'expose une bonne douzaine de fois à son principe mortifère. La létalité, c'est son affaire, et les mortelles hésitations du toro de Martelilla, toujours prêt à décocher son coup de corne au milieu de la passe, lui permettent de mettre son évangile en application. Froidement. Avec minutie. José Tomas, blanc comme la fleur de cerisier et le visage du samouraï selon la tradition, immobile et impassible comme un cadavre en sursis, croisé au maximum comme un croisé de sa cause, a tout donné de lui à un toro qui, lui, donnait, très peu de choses, sauf ces promesses de drame et ces avis de décès improbables que les aficionados nomment les avertissements. Outre leur beauté plastique née de leur envergure, les passes de José Tomas donnaient à voir sur leur tracé la naissance et le cheminement d'une angoisse qui creusait les joues puis son apogée lorsque les cornes très pointues glissaient lentement sur ventre. Dans le olé ! déchiré et convulsif qui saluait leur aboutissement, on pouvait déceler la liquidation soulagée de cette angoisse qui allait, inexorablement, faire retour dans quelques secondes , et taper sur le tambour de Las Ventas comme un taon contre une vitre. Tauromachie du ay ! " (2)

Il écrit aussi dans la nuit, la vérité de l'exposition absolue, est la seule vérité de vie, tout le reste n'est que tour de passe-passe, faute de goût, blabla et chichi taurin. Tous les autres le savent, ils savent que l'homme blessé a saisi la vie, et le saisissement de la vie est cette mise en danger permanente avec une certitude, que c'est là et nulle part ailleurs que se joue le véritable sens de la résurrection.
Il ajoute, vérifiez s'il en va de même dans votre vie, vérifiez la vérité de l'exposition de votre corps, de l'exposition de vos phrases au déroulé de l'amour.

à suivre
Philippe Chauché

(1) Fleurs / Philippe Sollers / Hermann - Littérature / 2006
(2) José Tomas Roman / Jacques Durand / Actes Sud / 2007

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