lundi 31 mai 2010

Propos Intempestifs (2)

" Autre discours : ce 6 août, à la campagne, c'est le matin d'un jour splendide : soleil, chaleur, fleurs, silence, calme, rayonnement. Rien ne rôde, ni le désir, ni l'agression ; seul le travail est là, devant moi, comme une sorte d'être universel : tout est plein. Ce serait dont cela, la Nature ? Une absence... du reste ? la Totalité ? (1)



Henri Matisse 1869-1954


Autre mouvement, ce 30 mai, chaleur accablante, gris bleu du ciel, léger vent, pas un bruit, la rue peut vivre son silence en toute quiétude. Rien à l'horizon, pas un rêve, pas d'envie, pas d'ennui, seulement le silence, et puis Mozart, une nouvelle fois, nécessité de Mozart (2), immersion dans l'Instant et dans le Mouvement du Temps.

Point de ruse, jamais de calculs, pas de projets, la douceur de la douleur qui vient d'une rose achetée le matin même devant les Halles, rouge, instantané de joie qui se fane dans l'absence.

Point de ressentiments, pas de doutes, mais un éblouissement de certitudes, avec la juste distance qu'il convient, finalement se satisfaire de l'incompréhension.

Croire plus que jamais à la beauté d'une offrande.

Habiter son silence, comme l'on habite son corps, certitude que le détachement délivre, que toute envie n'est qu'illusion, sauf celle d'écouter une nouvelle fois Mozart.

Ne jamais désespérer de ce que l'on a donné, quoi qu'on vous en dise.

" Donner c'est donner, reprendre c'est voler !" s'amusent à dire les enfants, ils ont raison.

Se contenter d'une saveur, de la musique d'un regard et d'une voix.

Devenir invisible pour ne plus troubler le petit jeu social, dont le ridicule devrait tuer.

Se savoir définitivement inutile, et s'en amuser.

Croire plus que jamais que les miracles naissent du regard d'une femme particulière, tout le reste n'est que balivernes.

Croire que seul l'amour sauve de la mort dominante, et sourire de son absence.

Ne jamais se lasser d'entendre une voix, même enregistrée.

S'installer dans la nuit, comme l'on s'offre à un corps désirant.

Décider un jour d'en finir, mais avec la délicatesse du pinceau de Matisse.

Brûler ses vaisseaux, et ne rien regretter.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Roland Barthes par Roland Barthes / Écrivains de toujours / Seuil / 1975
(2) Concerto pour violon et orchestre en si bémol majeur / Orchestra Mozart / Claudio Abbado / Giuliano Carmignola / Archiv Priduktion

2 commentaires:

  1. Mon amie la rose

    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    A l'aurore je suis née
    Baptisée de rosée
    Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille

    Pourtant j'étais très belle
    Oui j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin

    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe
    Et je sens que je tombe
    Mon cœur est presque nu
    J'ai le pied dans la tombe
    Déjà je ne suis plus

    Tu m'admirais hier
    Et je serai poussière
    Pour toujours demain.

    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Est morte ce matin
    La lune cette nuit
    A veillé mon amie
    Moi en rêve j'ai vu
    Éblouissante et nue
    Son âme qui dansait
    Bien au-delà des nues
    Et qui me souriait

    Crois celui qui peut croire
    Moi, j'ai besoin d'espoir
    Sinon je ne suis rien

    Ou bien si peu de chose
    C'est mon amie la rose
    Qui l'a dit hier matin.

    RépondreSupprimer
  2. C'est si beau, comme d'habitude... ces mots semblent creux mais je n'en trouve pas d'autres....
    Oh et "la douceur de la douleur"... poignant!

    RépondreSupprimer

Laissez un commentaire