samedi 26 février 2011

L'Arc et la Flèche (6)



« Mozart était l’homme le plus aimable du monde et, quand il voyait qu’on possédait l’intelligence de son art (1), il jouait pendant des heures pour l’homme le plus insignifiant et le plus inconnu. Avec une attention encourageante, il écoutait les essais des jeunes artistes et éveillait par une aimable parole d’approbation la conscience de soi-même qui sommeille. (…) Mozart était un ami des hommes, et désintéressé au plus haut degré. Ainsi n’amassa-t-il aucune fortune. Vivant tout entier dans le royaume des sons, il attachait peu de valeur à l’argent et aux autres biens. Aussi travailla-t-il souvent pour rien, par plaisir ou pour faire le bien. Tout virtuose voyageur (la Paradies, la Strinasacchi, etc.) était certain, s’il pouvait se recommander à lui par le talent ou la moralité, d’en obtenir une œuvre pour soi. C’est ainsi qu’on été composés bien des Concertos pour divers instruments, et une foule d’œuvres pour chant. » Franz Niemtschek (1798) (2)

Mozart seul, mais parfois fort bien entouré d'amis choisis , mais aussi de fées amusantes et fort dévêtues, qui en savent beaucoup sur l'intelligence de son art, ce qui n'est pas une mince affaire, vous en conviendrez, et le musicien sait toujours où il doigt poser ses doigts !
Mozart seul, unique - nous sommes douze, ange et non démon, mais la moraline ne fait plus depuis longtemps ce qu'est un ange. Question de savoir vivre, de savoir être et de savoir composer et jouer : c'est bien parce que je compose, que je vis et que j'aime, Stendhal ne dira pas autre choses un peu plus tard, et tout ce que l'on peut vous raconter d'autre à son sujet ne sont que ragots de gazettes.


" Un jour, le prince karl von Lichnowsky traite Beethoven en domestique, et menace de le faire mettre aux arrêts. Il reçoit en réponse ce billet : « Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je suis par moi-même. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »
« Un Mozart, un Beethoven : cette histoire d’un travaille peut-être encore plus la démocratie que l’aristocratie, et pour cause. Nous n’apercevons plus des « milliers de princes », une dizaine tout au plus, cantonnés, avec épouses et enfants, dans les pages people des magazines. Le un serait-t-il désormais uniquement financier, acteur, chanteur, homme politique, académicien, professeur au Collège de France, journaliste, directeur de chaîne, présentateur de télé ? S’agit-il encore d’un un ? Ou d’un uniforme ? Son nom est-il lui-même ou légion ? Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Qu’est-ce qu’un nom ?
Nietzsche a vu venir ce désert ou ce bordel agité : « Le piano, seul être doué d’une âme dans cette société… » (3)

L'Unique sans propriété, et la seule qu'il revendique c'est son talent.
Unique et seul, ce qui veut aussi dire parfois dix ou douze, pas plus, au delà c'est le collectif social qui s'installe, et l'on voit les dégâts, si l'on voit encore !


à suivre

Philippe Chauché

(1) c’est moi qui souligne
(2) Wolfgang Amadeus Mozart / Jean et Brigitte Massin / Fayard / 1990
(3) Mystérieux Mozart / Philippe Sollers / Plon / 2001

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