lundi 21 février 2011

L'Arc et la Flèche (1)

J'écris avec un certain détachement dans le mouvement raisonné de mes passions, face à la nuit qui s'est installée avec une belle allégresse, la lune qui sait ce qui se joue derrière ces fenêtres éclairées m'accompagne dans ses silences complices.
J'écris et je lis à voix haute ce que j'écris et ce que d'autres ont écrit, il y huit jours, huit mois, huit ans, ou écriront dans huit siècle. Rassurez-vous je serais toujours là pour les lire à voix portée !
J'écris en bonne compagnie et en silence, même si ici et là, la rumeur du monde tante tant bien que mal de le troubler.
Ce soir s'écrit une autre histoire, lisons :



" Je n'ai pas le culte des morts, ni le regret d'un ordre antérieur, et je ne ressens pas être la proie du nihilisme contemporain. Écrivant (renouant avec l'écriture après de longs mois de doute et de silence), j'entre dans le corps de la langue : je m'y suis enfanté ; elle me donne mes articulations, ma chair, mes organes, mon souffle ; toute ma vie, notamment l'épisode libanais dont j'ai entrepris le récit, aboutit à ce moment où l'esprit n'est pas donné par la langue, non pas dans une mystique simpliste, ni dans une révérence à un état idéal qui ne peut qu'être académique, mais en un mouvement qui fait que je ne puis penser, c'est-à-dire exister, qu'en écrivant, et que c'est dans la langue que se trouve la vérité sur ce qui a eu lieu, pour mois, trente ans plus tôt, au Liban, lorsque j'étais en train de parler avec ces hommes armés d'un colt qu'ils portaient à la ceinture, ce que je leur enviais avec l'espèce de douleur enfantine qui me faisait me sentir pauvre, à Siom, devant les frères Orluc qui possédaient un fusil de chasse comme devant les citadins en vacances, habillé à la dernière mode tandis que je portais, moi, de médiocres habits achetés au marché de Buiges et que faisaient ressembler à ces enfants palestiniens ou chiites que j'apercevrais, dans les semaines à venir. (1)


" Vous aimez à ce point la mort , " a murmuré la journaliste.
Aimer la mort, c'est aimer puissamment la vie, avais-je envie de dire à la jeune Belge qu'intriguait ma qualité de Français venu combattre au Liban, et qui était peut-être troublée par moi, mais qui avait des principes et dont le coeur penchait pour la cause palestinienne. J'aurais pu lui dire, aussi, que tuer n'est rien, ou pas grand-chose, et que ce qui nécessite le plus grand courage c'est de continuer à penser ; mais elle ne m'aurait pas davantage entedu.
Elle serai tla première d'une longue liste de femmes qui s'approcheraient de moi pour me dire leur dégoût de ce que je pense ou de ce qu'elles pensent que je suis, moi, pourtant l'être le moins idéologiquement marqué qui soit et, d'une certaine façon, le plus doux du monde. " (1)





* Je suis un être des crépuscules, celui du matin comme celui du soir, et je n'aime rien tant que le brouillard qui éloigne toutes choses et permet à la pensée de se déployer mieux que dans l'écrasement lumineux du plein midi. " (2)

" J'ai quitté soeur Catherine sur la promesse de lui écrire - ce que je n'ai pas fait et qu'elle n'attendait probablement pas que je fasse, ce genre de correspondance n'ayant pas cours, au Liban, la suele qui puisse exister ayant lieu dans le silence des pensées, c'est-à-dire par la prière, ou encore le livre adressé par un revenant à des spectres, dans le filigrane du temps. " (2)

" Ce que je cherchais, dans les ruines de Joun, était aussi insaisissable que l'enfant que je fus, le sourire des vieux rois phéniciens, ou tel visage d'adolescente qui m'observe à la dérobée et dont les yeux s'agrandissent quand elle se met à chanter en elle-même. Indescriptible, aussi l'expérience mystique qui a eu lieu, là, autrefois, et que la seule la poésie pourrait restituer : non pas une restitution poétique mais une tentative pour dire ce qui se dérobe et qui, dans le mouvement de cette dérobade, a donné lieu à la poésie, pour moi qui ne puis, en ce printemps, que relire Rimbaud, tant ma langue menace de se dérober, comme sous l'effet d'une maladie qui me rend suspect tout récit qui ne s'affronterait pas à l'énigme. (2)

Je salue ici l'écrivain et ses récits romanesques, écrire est une guerre livrée aux assis. Alors à l'attaque !

à suivre

Philippe Chauché

(1) La confession négative / Richard Millet / Gallimard
(2) Brumes de Cimmérie / Richard Millet / Gallimard

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