lundi 8 septembre 2008
L'Art du Bonheur
Mozart. Effervescence de Mozart, lumière de Mozart, bonheur de Mozart, éclats, touches vives, aplats, délicatesse, allégresse, joie, bonds et rebonds, la musique qui galope, qui s'envole, qui dit le bonheur du temps présent, temps de la composition, temps de l'écoute, deux temps retrouvés, passage à travers l'espace de l'histoire, et l'histoire de l'espace.
Revenir sans cesse à Mozart, dans les moments les plus justes, comme dans ceux les plus désaccordés, car il en va de la vie comme de la musique, je suis accordé au temps présent, à l'amour, à la stupéfiante justesse des gestes des femmes que je croise, aux éclats bleus du ciel, le bleu de Mozart, la transparence de la vie, revenir à Mozart dans les instants les plus douloureux, ceux qui cisaillent la peau et déchirent l'âme, seule la musique sauve et vous conduit au Paradis, musique pour le coeur, pour la peau, pour le corps, musique qui aspire, qui soulève, musique qui délivre et retourne, comme un corps, à l'envers, donc à l'endroit, il suffit de faire avec, ainsi seulement on se sauve, on devient immortel.
Je l'imagine penchée sur son clavier, libre, éclatante, vibrante, la musique s'inscrit dans chaque muscle, dans chaque vaisseau, dans chaque neurone. Je l'imagine ainsi, les yeux profonds, le sourire de nuances. Admirable.
J'écoute Martha Argerich, le concerto n°25, 1978 the Concertgebouw, le Nederlands Kamerokest dirigé par Szymon Goldberg. Admirable.
Je la vois très nettement, clavier dévoilé, elle attend, la musique vient de si loin, de si près, réconciliée, c'est un mot qui lui va bien, c'est ce qu'elle se dit, réconciliées, ce que le 19° a voulu séparer, le corps et l'esprit, l'âme et le muscle, belle leçon, elle dégage sa mèche rebelle qui brouille sa vue et joue. Admirable.
" En voiture vers Dürnstein, on va de colline en colline, et voici Saint-Gilles, maison de la mère de Mozart, cytises en fleur, grand lac calme, et de là, en hors-bord, jusqu'à l'île rocheuse de Saint-Wolfgang. Ce saint du X° siècle est justement célèbre pour avoir fait travailler le diable lui-même à la construction de son monastère-église, avant de l'exorciser sous forme de loup. Le diable au travail, pendant qu'on se roule les pouces, voilà la technique de Wolfgang, préférable à la tentation de saint Antoine. Cela vaut bien une demie-heure sur l'eau, des marches à monter, un pèlerinage vers un retable à la beauté intincelante. Anna Maria a dû prier souvent saint Wolfgang dans le secret de son coeur et de sa grossesse finale. Elle a glissé ce prénom dans la litanie de ceux d'un garçon enfin retrouvé. A la recherche du fils perdu, il fallait un miracle. Il a eu lieu.
Wolfgang Amadeus : le diable et Dieu dans le même berceau, c'est quand même du grand art. Les mères ont leurs raisons que la raison ignore. Le diable y travaille, et Dieu bénit parfois le boulot à l'envers. On ne s'étonnera jamais assez de la froideur de Wolfgang devant la mort de sa mère, à Paris, en 1778. Détresse surmontée ? Sans doute, et il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter la sonate pour piano n° 8 en la mineur K. 310, chef-d'oeuvre d'énergie et d'héroïsme. Allegro maestoso, Andante contabile con espressione, Presto... Où trouve-t-il, dans sa solitude d'alors, près d'Anna Maria agonisante, la force d'écrire cette merveille ? Mystère. (1)
Autre mystère son regard face au clavier.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Philippe Sollers / Mystérieux Mozart / Plon
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