Voyez-vous cher ami, les libertins, ont toujours très mauvaise réputation, nos jeunes amis sensualistes subissent un sort comparable, que ne leur reproche-t-on, la liste serait trop longue, et finalement peu réjouissante pour nous y attarder, ce siècle caméléon, qui chaque jour se donne des airs du 19°, est bien épuisant pour qui se veut un tant soit peu en accord avec la musique du temps, le mouvement des fées et les plumes tranchantes des auteurs des hauteurs. Notre époque rêve de guillotine, d'autodafés, d'enfermement, de délations, la coupe est pleine, et ni vous, ni moi n'en doutons, notre simple présence, ici, dans ce café lumineux suffirait à le prouver. Passons donc à autre chose, aux écrivains qui solitaires intempestifs écrivent comme ils vivent et vivent finalement comme ils écrivent, autre grand scandale :
" Et voilà le swing Saint-Simon. Voyez Mlle de Séry : « C’était une jeune fille de condition sans aucun bien, jolie, piquante, d’un air vif, mutin, capricieux et plaisant. Cet air ne tenait que trop ce qu’il promettait. » Concision, raccourci, torsade des adjectifs, improvisation presque folle, chaque séquence est nerveuse et à vol d’oiseau, comme une intervention de Charlie Parker. La faute de Louis XIV ? Il s’embourgeoise, contrôlé de plus en plus, par une Maintenon religieuse qui « se figurait être une Mère de l’Eglise ». « Le Roi était devenu dévot, et dévot dans la dernière ignorance. » Il se fait gouverner, à son insu, par « un cercle de besoins et de services réciproques ». Il ne pense qu’à promouvoir ses bâtards « successivement tirés du profond et ténébreux néant du double adultère ». C’est un maniaque des familles recomposées, ce qui, pour le duc, est le crime suprême : on abaisse le sang, on élève le néant, et tout cela en parlant de Dieu, mélange qui finira mal un jour ou l’autre. Il faut donc lire Saint-Simon pour comprendre la Révolution. Imaginez-le aujourd’hui, épouvanté, tournant dans le parc de Versailles, ou essayant d’entrer à la Lanterne. De quoi perdre la tête, à jamais. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Philippe Sollers / Le Nouvel Observateur du 31 janvier 2008 / in Pile Face
mardi 2 septembre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Sans vouloir verser dans la généralisation facile, l'ignorance, sans forcément être le "propre" du dévot, n'est-elle pas une chose vers laquelle ce dernier tend par nature ? Ce qui le différencie éthymologiquement du simple "croyant", c'est cette volonté de se tenir sans y réfléchir (ce serait le premier pas vers l'hérésie) à un dogme pensé et rédigé par d'autres. Le cercle vicieux de sa condition, c'est que le dévot ne peut à aucun moment réaliser son ignorance ou en sortir, dans la mesure où il est persuadé de détenir LA vérité.
RépondreSupprimer