Edouard Manet 1832-1883
Il se dit, ces roses là, à aucunes autres pareilles, sont cet Or du Temps que je cherche.
Il se dit aussi, les roses le regardent, le traversent, l'emplissent, donnent une autre couleur à son sang.
Il pense, l'Admirable comme les roses, s'épanouit en chacune de ses pensées qui enflamment ses rêves.
Il écrit, ô roses qui jamais ne fanent dans le silence ombré du printemps.
" ... O voix ancienne de mon amour,
ô voix de ma vérité,
ô voix de mon flanc ouvert,
quand toutes les roses jaillissent de ma langue... " (1)
Roses, éclats de la permanence du Temps et de son Instant, ce sont ces livres qui enlacent l'espace de sa Tour :
" Jim est le seul à m'apprendre que chaque mot écrit est un corps de liberté agissant par effraction. Un homme armé d'une pensée de feu, voilà ce qu'il est. " (2)
" L'écriture est un luxe. Il me branche aussitôt sur la recherche du mouvement perpétuel aveugle, ce que je souhaite depuis toujours sans le savoir. " (3)
L'écriture, seule certitude, se dit-il, certitude de résurrection, pense-t-il, avant poste de l'amour, et sa garde rapprochée.
Il poursuit ses lectures fragmentées, en écoutant pour la millième fois peut-être les Motets de J.S. Bach par Masaaki Susuki (4), non il n'écoute pas, il voit la musique, sa grâce absolue, sa fluidité lumineuse, sa profondeur silencieuse, sa rigueur, ses envolées, sa divinité, sa joie, ses éclats, sa houle aux voix croisées comme les roses d'un bouquet offert dans le silence de la pensée.
" Vers 3 heures du matin, la première nuit. Anna Livia dormait. Je suis allé fumer une cigarette sur le balcon. J'étais nu. Un vent léger soufflait dans les arbres du parc. La glycine parfumait la nuit. Du papier traînait sur la table basse. J'ai noté. Nuit de feu dans la main qui court. La déesse du bonheur existe, me disais-je. Elle palpite dans les phrases qui viennent sous tes doigts. " (5)
" Il y a des écrits qu'on lit distraitement, ceux qu'on lit en sachant qu'on ne les relira jamais, et puis, en très petit nombre, ceux qu'on relit sans cesse. On les sait presque par coeur, à la virgule près, mais, rien à faire, ils révèlent toujours quelque chose de nouveau, ils sont actifs sans en avoir l'air, ce sont des émetteurs constants, des trésors. Ils font signe. Du coup, une autre vision se dessine. " (6)
Il se dit ces phrases là, à aucunes autres pareilles, sont cet Or du Temps que je cherche.
Il se dit aussi, les phrases le regardent, le traversent, l'emplissent, donnent à sa peau une autre couleur.
Il pense, l'Admirable, comme ces phrases, se met au diapason de la musique de Bach. Mes phrases, ajoute-t-il, je les veux ainsi, dans l'élévation d'un corps saisi comme une rose.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Double poème du Lac Edem / Poète à New York / Federico Garcia Lorca / traduc. Pierre Darmangeat / Poésie / Gallimard
(2) Journal amoureux / Dominique Rolin / Gallimard
(3) Le futur immédiat / Dominique Rolin / Gallimard
(4) Bach / Motets / Bach Collegium Japan / Masaaki Suzuki / BIS
(5) Cercle / Yannick Haenel / L'Infini / Gallimard
(6) Les voyageurs du temps / Philippe Sollers / Gallimard
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