mercredi 7 avril 2010

Plénitude de Pleynet (2)



Nouvelle excursion au centre du livre (1), avec un double accompagnement : Bach (2), et un petit verre de Glen Lairg Single Malt 12 Years Old. Nouvelle aventure qui dissipe tout mal vu et tout mal entendu. Car il s'agit bien de cela, se dit-il, mon oreille lit, mon oeil écoute, ma main droite prolonge ce que livre mon corps. L'amour n'est pas autre chose, une affaire follement sérieuse, joyeuse et habitée, une phantasia, qui va de l'oreille à l'oeil, de la main au ventre, de la pensée active à l'envolée d'un baiser, Bach ne dit pas autre chose.

Écouter c'est comprendre, regarder c'est entendre, aimer c'est savoir et être immergé dans légèreté de la saveur de la vie vive, lire dans le creux de la jouissance. Et, se taire aussi, pour laisser renaître la Courbe du Temps.

Belle excursion, ajoute-t-il, nécessaire immersion dans le mouvement marin du livre, la Lagune est là, il suffit de se pencher à la fenêtre pour entendre sa mélodie.

J'aurai, se dit-il, passé ma vie à essayer de m'y employer, à offrir mon regard à une voix, ma joie à une oreille, mon corps à un visage, mes mots à un ventre révélé. Offrir mes silences comme des accords divins. Même si la divinité de l'Instant - comment la nommer autrement ? -, n'est pas de ce siècle, ajoute-t-il, que l'on en finisse avec ce siècle obscène. Passons à autre chose, il serait temps. Passons au roman, à la joie qui délivre, à la jouissance qui fait sombrer le bavardage sexuel dominant. Passons à la vie qui nous tend son corps éclairant - peut-il être autre ? -, passons au verbe qui est abandon joyeux, au silence d'une caresse qui installe une éclaircie de la pensée, à l'éblouissement du Retournement d'un corps, soyons dans la Résurrection du Temps, ou alors laissons le Diable triompher, ce siècle nous y invite, c'est à chacun de voir ou plutôt de ne pas voir !

Joyeuse excursion dans le magnétisme du roman, lisons, comme nous aimons :

" Tous les saints, aujourd'hui même, ce 1 er novembre 2007, tous les saints noms qui m'accompagnent : " Si nous aimons la vie, disent-ils, ce n'est pas parce que nous avons l'habitude de vivre, c'est parce que nous avons l'habitude d'aimer. " (1)

" Regardant la mer, je revois ma vie et j'entends une musique dont les voix parcourent tous les tons et soumettent à un ordre caché leur succession de conflits et d'accords... " (1)

" Tout est dans la voix... C'est comme l'amour... le sang qui baigne le coeur... l'expérience... La voix extatique qui s'élève hors de... hors du camp des assassins... Hors de l'imitation... il faut s'embarquer dans le temps sans reste. " (1)

" J'ai une grande oreille. Le silence m'enveloppe comme une musique, comme un parfum.
Tout est musique visiblement... musique des parcs, des jardins... musique du coeur... du printemps...
C'est toujours une nouvelle jeunesse... Le charme, le rire, les jeux... Conviction musicale... ce qui se déclare en beauté... C'est bien entendu par amour pour moi. " (1)

" L'homme habite poétiquement... s'il est poétiquement habité de quelque conversation sacrée... C'est ce qui m'accompagne ici depuis plusieurs semaines... J'héberge un hôte que je dois pas décevoir. " (1)

" J'ai mes rituels. Je ne séjourne jamais à Venise sans, à un moment ou à un autre, m'arrêter, plus ou moins longuement devant le San Grisogono a cavallo, de Michele Giambono, dans l'église de San Trovaso. " (1)

" La rationalité est indissociable d'un ordo amoris... L'art ? Et de plus en plus, puisque c'est la même chose que l'amour... " (1)

Il se dit de la nuit au jour, un nouveau Temps, un nouvel Instant.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Chronique vénitienne / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard
(2) Italian Concerto / Glenn Gould / Columbia / anniversary edition

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