jeudi 10 février 2011

Ainsi va le Temps (63)









" Les seins de l'art existent à peine. La peinture leur fait perdre leur vérité et nous les présente comme des fictions.

Voici une vierge au sein gentil, pareil à une pomme parfumée ou à cette petite pomme qu'est le flacon de cristal qui porte un lys, flacon si subtil qu'il rappelle ces ampoules de laboratoire qui se défont comme de la poudre de talc au lieu de se rompre comme du cristal.

Les seins des femmes de Boticelli sont des seins qui semblent leur donner à elles-mêmes le désir d'elles-mêmes.

Les seins que peint Cranach sont des seins de femmes gothiques, idiotes et excitantes.

Les seins voilés de l'art sont plus charmants souvent que les seins nus. Tels les seins de Léonard dans leur robes décolletées en rond.
Mais les plus vrais sont ceux de Tintoret, lui qui peignait sa maîtresse, le sein nu ou qui mettait une petite feuille verte de mûrier entre le corsage et le sein, afin de donner à celui-ci plus de relief et de fraîcheur.

Tintoret ne voulait pas perdre son temps à contempler sa maîtresse complètement vêtue dans les poses qu'elle prenait pour ses nombreux portraits ; et pour ne point perdre le plaisir des yeux, il lui découvrait un sein, un sein opulent de femme à la nudité rustique et exubérante, il le mettait à l'air pour toute l'éternité. " (1)

Il se dit, la transcendance des seins de l'art, née du mouvement des seins vivants, on la saisit sur le motif, et ainsi les seins de l'art vivent sous notre regard.
Ceux, ajoute-t-il, qui savent entendre la lumière, voir la musique, et la suspension du Temps, ceux-là seuls peuvent en toute liberté admirer les seins de l'art.
L'art qui s'éloigne de la vie, et tout aussi inutile, que la vie qui ignore l'art, c'est ainsi, et cela encore une fois, se vérifie sur le motif.
Ces peintres là, savent cela, ils ont dans la main, la vibration permanente des seins qu'ils ont embrassé et qui les ont embrasé.
Il faut à chaque instant épouser un sein de la vie.
Dans nos mains les seins vivent et s'élèvent, il en va de même des seins des toiles du Tintoret, de Léonard de Vinci, de Boticelli et de Cranach.
Les seins de l'art ridiculisent les manchots et les caniches de la vie.

Philippe Chauché

(1) Les seins de l'art / Seins / Ramon Gomez de la Serna / traduc. Jean Cassou, Valery Larbaud et Mathilde Pomès / Ryôan-ji / André Dimanche Editeur /

3 commentaires:

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  2. Attention Monsieur Chauché !
    Il y a Jos randall , F B I !Vous êtes surveillé

    - Heureusement il y a l'art pour ne pas mourir de la vérité -

    Ursule bidule

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  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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