samedi 4 juin 2011
Éphémères Admirations (4)
" Qui l'a vue jouer sait à quel point le corps participe, s'implique se donne. Concentration extrême qui s'efface dès qu'elle attaque. Ne reste alors qu'une jouissance proprement physique, course réglée du félin dont on ne peut entendre ni le pas ni la griffe. " (1)
Cinquante ans de musique, autrement dit un siècle, une nuit ou quelques minutes c'est comme on le souhaite, note-t-il, Martha Argerich est la musique, et qui n'a un jour entendu ses Ravel, Chopin, Bach, Mozart, Liszt, Schumann, Rachmaninov, Tchaïkovski, n'a rien entendu de la musique.
Argerich est l'évidence de la musique, nette et précise, son muscle, sa gloire, son Je ne sais quoi :
" Le Je ne sais quoi, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne ne le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ces termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est, en un mot, la perfection de la perfection même, et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. " (2)
- Vous avez un programme ?
- Oui, la Perfection du Beau !
- Autrement dit ?
- Une idée certaine et une certaine vision de la musique, l'aguante absolu, l'embrasement, le duende, une certaine idée gnostique du miracle, et sur l'instant la Perfection du Beau nous fait oublier notre destin tragique.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Jean-Charles Hoffelé / La reine Argerich / Diapason / Juin 2011
(2) Le Héros / Baltasar Gracian / traduc. Joseph de Courbeville / Éditions Champ Libre / 1973
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