jeudi 19 juin 2008

L'Aventurier des Landes

Photo Pascal Fellonneau / getthepicture.free.fr
( Bernard Manciet chez lui à Sabres 1999 )


" Il plut alors bénédiction / et vitesse dans le froment / tricotages de soleil dans les plus grands pins / fenaisons d'étés sur la mer / il plut du haut en bas du Chêne / de la vérité par gerbes / comme on carderait la laine / comme on carde la blondeur d'un tilleul / sel qui pleut / rencontres de pluies et pelages / comme le cheval emballé du Chêne / il pleut des lacunes dans les feuillages . et des saccades / de blancheurs sur les cimenteries au soleil
" il plut du savoir " je refuse de savoir / à toi de savoir et tu me diras la suite " / subversion il grêla / " dans ta subversion je me repose " / subversion du dieu en Dieu / il en grêle de tous côtés / " je me loge dans ta bourrasque " / il plut il grêla des oiseaux piailleurs / " j'habite dans ta déchirure " / la pluie on ne lui trouve plus le pouls / " Seigneur où es-tu - ne me fais pas ça ! "
" il plut bénédiction et os / de cette carne de Vieille grande pluie / de ses réverbères dans les platanes / ses orages de fer ses orages d'eau / ses paupières pures / ses phares au tournant de chez Peliche
" il me tarde de m'en aller d'ici "
" pluie dans les mines de fleurs / pluies les Saintes Thérèses sur les collines / il pleut de l'homme il pleut de l'aigle / dans les étages " (1)

Il lance ses mots, et des incendies invisibles s'allument dans la lande, les galets de sa langue sifflent, ils portent la mémoire de gaves anciens et de poètes grecs, il accorde ses mots cathédrales aux bifurcations musicales du pianiste, il écrit sa divine comédie gasconne dans la lumière d'un printemps troubadour. 

C'est Ulysse face aux dunes, libre du temps et du mouvement. 

" J'entends le bruissement de ta prière comme une averse sur les feuilles / C'est toi qui dis dans le vent // Laissez-moi le temps d'abreuver ma mémoire future / pour mes métaphores de fleurs dans le jardin des délices / Et ne soyez pas si pressés pour enterrer mon âme / et ma langue d'huile d'olive et d'étoiles / aux pieds de mes arbres / que j'avais tenus debout dans mes mains / contre le pouvoir du vent / qui sont mes ancêtres ramenés / de tous les pays de Provence / avec leur tête identique à celle des dieux / ciselée sur la crosse / de nos fusils de chasse // Et voici l'homme qui curait la fosse septique de son innocence et qui soudain ne vit plus rien d'autre que la mort / Seront chassés de ton sillage les amoncellements de nuages qui te poussent vers le nord pour te noyer dans les tourments " ( 2 )

à suivre

Philippe Chauché

(1) L'Enterrament a Sabres / Bernard Manciet / Mollat
(2) Psaume dans le vent / Saume dins lou vènt / Serge Bec / la cardère

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