samedi 7 juin 2008

Ravissement

" Il écrit en marchant, en observant, en écoutant, en chantonnant, en mangeant, en dormant, en se réveillant. Il rêve, il plane, il se pose, il lève la tête. Son énergie tranquille n'est jamais lourde, elle fouette, elle délie, elle relie. Les récitatifs de Mozart sont des merveilles. Il s'est transformé très en clavier, il lui en faut un, de temps en temps sous ses doigts. Clavier tempéré ou brûlant, selon les minutes, les enchaînements. La musique tempéré ou brûlant, selon les minutes, les enchaînements. La musique n'est pas seulement par excellence l'art du temps, mais du temps dans le temps. " (1)

" Je me suis mis à la chercher en faisant confiance au hasard. Je déambulais en me disant : elle est forcément dans une rue de Paris, tout prés , dans celle-ci, peut-être, et je courais. Ferme les yeux, me disais-je ; quand tu les ouvriras, elle sera devant toi. Mai non. La suite des mots se refait en silence. Avec l'insomnie, les piqûres et le Maldoror, tout allait en tourmente. C'était léger dans l'oubli, et dix minutes plus tard, crissé d'angoisse. " (2)

" Angélique est appliquée, ses mots me questionnent et ses mains palpent, sondent, mesurent, écoutent cette vie qui est toujours là, même si les assaillants ne manquent pas d'initiatives. Tout va bien ? Tout va bien mon ange ! Je lui tends mon bras droit. Elle m'écoute, prends ma tension, me regarde, note ses remarques sur son cahier de bord, vérifie le bocal de la machine à perfuser. Je transpire. Ma respiration s'accélère, je ne bouge pas, je ne pense à rien, tout cela dure un siècle. Les cornes sont longues et effilées, la mort que je tiens à distance veut pourtant avoir le dernier mot, c'est toujours la même histoire. Elle déteste perdre du terrain, comme les taureaux, elle croit dans ses raisons, dans sa force, dans l'illusion, comme les toreros. J'ai passé l'après-midi à écrire et à lire, accompagné de ma machine à perfuser, longue tige blanche, bras articulé, flacon transparent, goûte à goûte vital, la maladie doute, et elle commence à comprendre que je suis invisible. Et si l'écriture sauvait, me demande t-elle. Sauvait de la terreur, de la maladie et de la mort. Et si l'écriture sauvait de la mélancolie, de la boulimie bavarde, de la fidélité acceptée, du mensonge organisé, de la surdité, de l'aveuglement.

Ce qui sauve c'est vivre, rien d'autre. " (3)
C'est un ravissement, un élévation, un transport invisible dans un espace lumineux où siège le bonheur d'être, simplement. C'est ainsi que j'épouse le temps. Elle n'est jamais là où on l'attend, c'est pour cela que j'ai recours au ravissement, à l'élévation. Il ne se passe pas autre chose dans la musique : Don Giovanni, à écouter soir et matin. (4) Opéra absolu. Corps multiples, voix multiples, comme dans l'amour finalement. Elle chante et l'espace se transforme, les cordes ravissent les martinets qui connaissent le secret des mélodies lumineuses.
Que mille violons ravissent ton visage
à suivre
Philippe Chauché
(1) Philippe Sollers / Mystérieux Mozart / Plon
(2) Cercle / Yannick Haenel / Gallimard / L'Infini
(3) Equisses du bonheur / Philippe Chauché / roman à paraître
(4) Mozart / Don Giovanni / London Philharmonic Orchestra / Direction Sir Georg Solti / Decca

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