dimanche 14 septembre 2008

La Joie




De quoi s'agit-il, de l'acte vif d'un peintre vivant, il dessine l'art de la joie de vivre, ses couleurs éblouissent comme un soleil d'été, douce chaleur qui accompagne le geste de l'artiste. Heureux soient les artistes du bonheur.
De quoi s'agit-il, de l'acte d'accompagner les corps du regard, d'être soi-même ce corps de la joie, c'est une musique. Heureux soient les musiciens qui peignent ainsi la jouissance.
De quoi s'agit-il, d'une lumière, d'un mouvement, d'un acte solitaire, d'une oeuvre réfractaire à la morale, à la police de l'art.

C'est une rose
Nous nous sommes croisés
Mille notes de piano l'accompagnent.

Écrire ne suffirait pas, étonnant, peintre serait insuffisant, étonnant, laissons cela, voulez-vous, écrivons, peignons, dessinons dans la joie de vivre :

" Laisse toutes dévotions
dues ou surérogatoires ;
Mais de ta bouchée de pain
ne sois jaloux ni avare,
A nul ne cause peine
par ta langue ou par ton fait,
Et de ton salut je fais
mon affaire. Verse à boire ! " (1)

Vivre ne suffirait pas, étonnant, écrire chaque minute le temps aimé des bienveillantes déesses, c'est heureux, être à chaque instant sur le vif de leurs questions, les regarder de dos comme l'on regarde un tableau du Tintoret, les laisser s'envoler, planer, se poser, chanter dans leur jouissance, passer à autre chose, au silence par exemple, beau défi, essayons :


" J'aime écrire, tracer les lettres et les mots, l'intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N'oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain, en somme... Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec un cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine... Socrate sur sa terrasse, ou encore Lao-tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir... Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au coeur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d'être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu'on soit là pour. Qu'on existe et qu'on agisse pour. Qu'on pense en fonction d'eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es seul à le savoir. (2)

Écouter ce qu'il écrit, lire en silence :

" Les Grecs, dans une vie constamment exposée à de graves dangers et bouleversements, cherchaient dans la méditation et la connaissance une sorte de sécurité du sentiment et un dernier refuge. Nous, dont la situation est incomparablement plus sûre, nous avons reporté le péril dans la méditation et la connaissance, et nous retrouvons dans la vie le calme et le repos que nous avions perdus. " (3)

Aux belles de jour.

à suivre

Philippe Chauché



(1) Omar Khayyâm / Cent un quatrains / traduct. Gilbert Lazard / Éditions Hermes
(2) Philippe Sollers / Le Secret / Gallimard
(3) Friedrich Nietzsche / Aurore / traduct. Julien Hervier / Gallimard






La joie de vivre
Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 174 x 238
Merion, Fondation Barnes, Pennsylvanie

1 commentaire:

  1. Quelle belle incitation à lire, à observer, à rayonner - à vivre. Je sais désormais quel est le prochain livre que je vais lire, et en soi c'est un cadeau précieux. Merci.

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