samedi 20 juin 2009

Journal d'Eté (1)



" La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. " (1)

Voilà le Temps qui surgit c'est ce qu'il se dit. Le Temps présent apparaît, dans le bleu éblouissant de ce jour d'été, le premier dit-on, comme si les autres saisons ne portaient pas en elles des traces secrètes d'un été permanent, résonances du Temps, comme si le corps ne recélait pas en lui des particules d'été ébloui. Le Temps explose comme un incendie de couleurs, ses yeux n'en reviennent pas, ils s'ouvrent comme jamais ils ne se sont ouverts pense-t-il, sa peau fébrile se dédouble, c'est une mue invisible qui s'opère, son coeur délivré comme jamais bat au rythme nègre de la musique du désir, ses mots saisis d'une autre essence, d'un parfum nouveau qui diffracte une nouvelle voie, d'une vibration essentielle trop longtemps enfouie, et qui le transforme sur le champ en un autre, je est un autre aujourd'hui se dit-il, un autre corps s'est dénoué, un autre mouvement s'avance, d'autres mots naissent, vibrent, courent, s'ouvrent, et transforment la phrase qui s'écrit en d'autres phrases nouvelles, d'une autre nature, d'une autre pulsation, d'une autre raison, les raisons de mes phrases sont les phrases de ma raison ajoute-t-il.

Vérification : je ne marche pas, je vole, et personne, oh ! miracle, ne le remarque, la rue je la vois de haut, de très haut, petits pavés grisés, têtes qui passent avant de trépasser, grand bien leur fasse, je ne marche pas, je dessine un autre chemin qu'il faut parcourir les yeux fermés, personne ne s'en aperçoit, c'est heureux, je me pose sur la place des Corps Saints, heureux nom, heureuse vision, j'aperçois Sylvia, légère élévation d'un corps de majesté, poursuivons me dis-je, elle n'est plus qu'un point blond, je poursuis ma dérive soyeuse, le Temps est en moi, tout le reste n'est que tentation diabolique, volons vers la lumière, la rivière coule sous mes pieds, éclats de gris, de bruns et de noirs, j'embrasse des paumes le Palais, et me retourne, je suis seul à accomplir ce voyage invisible, seul dans cette irisée du Temps, je vais pouvoir me mettre à écrire, j'écris donc en volant et ma table de travail en est toute retournée, renversée, mon stylo d'acre court et vole, je vois de haut, de très haut la blanche feuille de mon cahier, ses lignes tracées ne sont plus qu'un souvenir, belle élévation du corps, j'écris le visage embrassant les ombres grises et or du plafond.

" O toi, la belle, viens, qui loges dans les coeurs...
Lance, jette le feu, l'éclair de ta lueur !
Au travers de ta natte, éclaire et illumine
Comme luit le soleil dans toute sa splendeur,
Par-delà le rideau des nuées et des brumes.
Cesse de te tapir au fond de ta demeure,
Sors et cours vers l'amant, il incite au désir :
De tes lèvres la perle, oui, il fera sortir
Comme tu as des flammes excavé son coeur. " (2)

à suivre

Philippe Chauché



(1) L'amour fou / André Breton / Gallimard
(2) O toi, la belle... / Juda Hallévi / Poèmes d'amour de l'Andalousie à la Mer Rouge / traduct. Masha Itzhaki et Michel Garel / Somogy

3 commentaires:

  1. Vous savez conduire ou piloter(je ne sais pas) les tapis volants ?
    En fait, il ne s'agit pas de cela, mais plutôt des fils avec lesquels on les tisse...
    C'est beau.

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  2. Les fils d'or que nous tissons chaque jour, se transforment un soir en un miroir où nous trouvons enfin "l'or du Temps".

    Bien à vous Lidia

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  3. Je vous rejoins dans cette "irisée du Temps"....
    Ce texte me fait planer au sortir de ma nuit.
    Très Beau.

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