samedi 6 juin 2009

Le Fleuve





" Simile est regnum coelorum thesauro abscondito.

Le royaume des cieux est semblable à un trésor caché.

(Matth., XIII.)

... Sortez, grand homme, de ce tombeau; aussi bien y êtes-vous descendu trop tôt pour nous: sortez, dis-je, de ce tombeau que vous avez choisi inutilement dans la place la plus obscure et la plus négligée de cette nef. Votre modestie vous a trompé, aussi bien que tant de saints hommes qui ont cru qu'ils se cacheraient éternellement en se jetant dans les places les plus inconnues. Nous ne voulons pas vous laisser jouir de cette noble obscurité que vous avez tant aimée; nous allons produire au grand jour, malgré votre humilité, tout ce trésor de vos grâces, d'autant plus riche qu'il est plus caché. Car, Messieurs, vous n'ignorez pas que l'artifice le plus ordinaire de la sagesse céleste est de cacher ses ouvrages, et que le dessein de couvrir ce qu'elle a de plus précieux est ce qui lui fait déployer une si grande variété de conseils profonds. Ainsi toute la gloire de cet homme illustre, dont je dois aujourd'hui prononcer l'éloge, c'est d'avoir été un trésor caché; et je ne le louerai pas selon ses mérites si, non content de vous faire part de tant de lumières, de tant de grandeurs, de tant de grâces du divin Esprit, dont nous découvrons en lui un si bel amas, je ne vous montre encore un si bel artifice, par lequel il s'est efforcé de cacher au monde toutes ses richesses. "

Il avait laissé le livre au pied de son lit, incendie incroyable, qui ne détruit rien, mais sauve les âmes perdues, traversé cet appartement où s'entassaient les romans qu'il n'avait pas encore eu le temps d'offrir, regardé une dernière fois la photo qu'il avait épinglé sur une reproduction d'un dessin de Matisse, un arbre qui dialogue avec le Temps, c'est la seule qu'il possédait, elle allait aussi être brûlée par la glace, il sentait le froid rassurant de l'arme dans la poche de sa veste froissée, le vent n'arrangeait pas les choses, il tanguait, une larme coula sur sa joue, il s'approcha de la berge grise, dans le ciel ses oiseaux s'évertuaient à le ravir par leur ballet joyeux, tout alors lui apparut nettement, son visage, ses mouvements, son corps, ses mots qui sauvent, portés haut comme une délivrance, il descendit les quelques marches qui menaient au fleuve, il ferma les yeux, tout avait été dit, pensa-t-il, tout avait été fait, et fort mal, je traverse la nuit et les flammes me consument.

à suivre

Philippe Chauché

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